À Cannes-La-Bocca, on s’inquiète de l’impact des futurs travaux ferroviaires

La SNCF a prévu un important chantier dans le quartier dont la destruction de sa petite gare en bord de mer. Riverains et usagers sont préoccupés.

La gare de Cannes La Bocca, 1 rue Louis Armand à Cannes. (Crédit photo : Baptiste Bozon)

Depuis quelques semaines, de nombreuses pancartes jaunes ont fait leur apparition autour de la gare de La Bocca. Elles informent les passants de l’enquête publique en cours au sujet des travaux prévus dans le cadre du projet de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur. Les riverains et les usagers sont appelés à s’exprimer sur l’utilité publique du projet. À La Bocca, cinq années de travaux sont prévues, « ça va être l’horreur, le bruit, les engins… » confie Monique, riveraine. Parmi les usagers interrogés, nombreux sont ceux qui n’ont pas connaissance de ce gros chantier visant à fluidifier et augmenter le trafic ferroviaire dans la région.

Perturbations sur la ligne

Dans le quartier de La Bocca, les travaux porteront sur la bifurcation Cannes-Grasse. C’est aujourd’hui l’une des principales causes de retards selon le dossier de concertation publié par la SNCF. Pour y remédier et fluidifier le trafic, le projet prévoit notamment la création d’une nouvelle voie ferrée au nord des 2 voies existantes. Elle se situera entre le vallon du Devens et le boulevard Leader, sur 1 000 mètres, dont une section sera enterrée en tranchée couverte sur 500 mètres. Cette voie, « dénivelée » en tunnel, passera sous la ligne Cannes-Grasse. Cela implique la destruction de la gare de Cannes-la-Bocca, qui va être « déplacée » un kilomètre plus loin à la gare de marchandises. Du côté de la gare du Bosquet, un dédoublement des voies est prévu. Pendant les travaux, de gros ralentissements et des interruptions sont à prévoir. Ludivine, usagère quotidienne confie : « Cela va m’impacter pour mon travail, j’ai choisi le quartier pour ses deux petites gares [La Bocca et Le Bosquet, ndlr]. La gare de marchandises est plus loin, je vais perdre beaucoup de temps. »

Vue aérienne de la zone de la bifurcation vers Grasse avant les travaux (gauche), et après avec le tunnel visible (droite). (Crédits : SNCF Réseau)

“Pot de terre contre pot de fer”

Ce projet inquiète aussi les riverains qui vont être exposés à de nombreuses nuisances notamment sonores. Monique habite à quelques dizaines de mètres des futurs travaux. Le canal d’écoulement des eaux de pluie vers la mer qui passe à trois mètres de sa maison l’inquiète. Elle redoute l’adaptation que va en faire la SNCF pendant et après le chantier.  En 2015, d’importantes inondations avaient profondément marqué les habitants. En dépit de ses mails au maire de Cannes et de sa participation aux réunions publiques, elle avoue, dépitée, « on ne peut plus se défendre ». Elle compte tout de même participer à l’enquête publique.

Laïd Bouzetit, président du Syndicat d’Initiative et de Défense de Cannes-La-Bocca (SID) rencontre prochainement des responsables de la SNCF, mais il sait d’avance que le rapport de force sera celui d’un « pot de terre contre pot de fer ». Il dénonce le coût des travaux qui ne cesse d’augmenter. « 93 millions au départ, 120 maintenant, et pourquoi pas 150 tant qu’on y est !? ». Autant d’argent qui, selon lui, n’améliore pas la qualité de vie du quartier : « l’impact sur l’environnement est très important. Avec quatre à cinq ans de travaux prévus, c’est autant d’années où les habitants ne profiteront pas de leur bien. Surtout qu’il y a beaucoup de personnes âgées qui sont venues terminer paisiblement leur vie ici. »

Pour le président du syndicat citoyen, il y a beaucoup d’incompréhension sur l’utilité de ce projet colossal. D’autant plus que celui-ci affecte le patrimoine du quartier : « supprimer cette gare, c’est supprimer son histoire. Elle est utile et fait partie du paysage depuis longtemps. Je ne vois pas pourquoi on la supprimerait alors qu’elle sert aux habitants du coin, du boulevard Picaud à l’avenue Francis Tonner. » La mise en service de la station de La Bocca date de 1886. À l’époque la ligne était gérée par la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM), une entreprise privée. Clin d’œil au passage à la privatisation récente de la ligne Nice-Marseille…

La justice en dernier recourt

Le SID, qui représente plus de 400 Bocassiens, a déposé plusieurs propositions à la SNCF, mais l’entreprise de transport publique en charge des travaux les a toutes refusées. « Il y a beaucoup d’argent qui est mis en jeu, mais tout ça pour gagner seulement une dizaine de minutes pour les Bocassiens et les Grassois. On demande à être pris au sérieux ainsi que nos propositions qui n’ont pas été étudiées correctement. » Laïd Bouzetit sait qu’il n’a pas les mêmes moyens que la SNCF, notamment en termes de communication. Il ne compte pas se laisser faire. « Je regrette que ce projet soit imposé plutôt que concerté. Juridiquement parlant, nous avons encore les moyens de se battre pour que tout cela ne se fasse pas. Si nous ne sommes toujours pas écoutés par la SNCF, nous n’hésiterons pas à saisir le tribunal administratif en dernier recours, dans l’intérêt des habitants. »

Ces derniers ont jusqu’au lundi 28 février pour participer à l’enquête publique, avant le début des travaux prévus début 2023.

Baptiste BOZON