Rebond des agressions physiques à Nantes, « ne me parlez plus de sentiment d’insécurité »

Dans la sixième ville de France, où les épisodes de violences se sont multipliés depuis fin septembre, le débat sur l’insécurité est relancé. 

Un millier de personnes a manifesté samedi 1er octobre à Nantes pour dénoncer un climat d’insécurité. Crédit : Le Télégramme/Sophie Prévot

De ville préférée des Français « où il fait bon vivre » il y a dix ans, la capitale des ducs de Bretagne ne fait plus envie de nos jours. Dans un classement mondial réalisé en septembre, portant sur le sentiment d’insécurité dans les agglomérations, Nantes dévisse même littéralement. Si ce baromètre, basé uniquement sur le ressenti d’internautes, est ainsi à prendre avec des pincettes, il a mis l’accent sur une problématique bien réelle dans une période où la ville connaît un e recrudescense d’événements dramatiques.  

Outre le policier blessé, une habitante de 40 ans a été violée par deux hommes, le 24 septembre, alors qu’elle traversait au petit matin l’esplanade des Machines de l’île. Peu après, c’est un adolescent qui était la cible de plusieurs coups de feu, tirés en plein jour quartier des Dervallières. Et le lendemain, un corps présentant une trace de balle dans le front était retrouvé, en partie brûlé, dans un parc de Saint-Herblain… Sans oublier le meurtre d’une femme de 47 ans, en pleine rue, le 16 octobre dernier. Une série noire qui jette à nouveau une lumière crue sur la délinquance qui gangrène désormais Nantes. 

3 194 agressions physiques en 2022 

Selon des données provisoires communiquées par la préfecture de Loire-Atlantique le 28 septembre, la délinquance générale est en baisse sur les sept premiers mois de l’année 2022, entre le 1er janvier et le 31 août, avec 18 509 faits recensés sur la période (contre 20 409 en 2019), soit une diminution des faits de 9,31 %. Par rapport à 2020 et 2021, deux années particulières en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, la tendance est cependant à la hausse.   

À Nantes toujours, 1 329 cambriolages avaient été comptabilisés en 2019, 1272 en 2020 et 774 en 2021. Avec déjà 1 202 faits constatés cette année, la situation se détériore de nouveau. 

Symptômes du sentiment d’insécurité important dans la population, les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont bondi de 11,48 % entre 2021 et 2022 avec 3 194 faits constatés cette année contre 2 865, dépassant déjà les chiffres de 2019 (2991).  

« Nantes, l’insécurité, on n’en veut pas » 

Prise au piège de cette violence, la population réagit. « Nantes, l’insécurité, on n’en veut pas », « Des trottoirs pour marcher, pas pour se faire agresser », ou « Johanna bouge-toi », à l’adresse de la maire Johanna Rolland (PS). C’est en scandant ces slogans qu’un millier de Nantais ont défilé dans les rues du centre-ville le 1er octobre. Ils répondaient à l’appel du collectif Sécurité nocturne Nantes (S2N), créé en 2019 par le gérant d’un bar et un agent de sécurité. « Depuis la rentrée, ça a encore accéléré à fond, déplore Guillaume, le coprésident de l’association S2N, dans les colonnes du journal 20Minutes. Tous les jours, on nous rapporte une agression : des passants victimes de coups de couteau, un barman braqué à l’arme à feu ! » 

Cyril Pineau, un père de famille installé à Nantes, a pris la plume lundi 10 octobre pour s’adresser à Johanna Rolland. Quelques jours auparavant, son fils a été la cible d’une agression qu’il a tenu à raconter, reprochant à l’édile nantaise de ne pas lutter contre l’insécurité grandissante dans sa ville. Vers 16h15, en plein centre-ville, le jeune homme a eu la malchance de croiser « un groupe de jeunes gens visiblement sous l’emprise de la drogue ». « L’un d’entre eux s’est jeté sur lui, l’a jeté au sol, et lui a asséné une série de coups de poing au visage », poursuit Cyril Pineau. Sérieusement blessé, le jeune homme parvient finalement à se rendre chez ses parents. Il « s’est présenté à sa famille tremblant, couvert de sang et incapable de comprendre ce qui venait de lui arriver », ajoute le Nantais. Avant de conclure : « Ne me parlez plus de sentiment d’insécurité – si les sentiments peuvent faire mal, ils ne laissent pas de cicatrice sur le visage, et mon fils portera désormais les siennes toute sa vie. » 

Pour garantir la sécurité, l’État en renfort 

« Devant la gravité de la situation de l’insécurité à Nantes », Johanna Rolland et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, se sont rencontrés le 4 octobre. Malgré les augmentations de moyens nationaux et municipaux depuis la signature en 2021 du contrat de sécurité intégrée, ils ont convenu d’un plan commun de renforcement des moyens au service de la sécurité des Nantais. 

Côté État, Gérald Darmanin annonce l’affectation à Nantes, en 2023, d’une nouvelle unité de CRS composée de 200 agents, dont 80 dédiés spécifiquement à l’agglomération nantaise. En attendant son déploiement, depuis le 10 octobre, une unité de force mobile, d’environ 70 policiers, est provisoirement dépêchée dans la ville et dans les quartiers prioritaires. Le ministre de l’Intérieur a également décidé l’installation d’un centre de rétention administrative dans le département de la Loire-Atlantique dans « les délais les plus rapides », selon les mots du communiqué de presse

Mais si Beauvau accepte de se mobiliser, ce n’est pas sans conditions. Nantes doit aussi se retrousser les manches pour renforcer sa sécurité. En plus de nouvelles caméras, portant le total à 250 d’ici à la fin du mandat de Johanna Rolland contre 146 actuellement, la ville va devoir étoffer sa police municipale avec le recrutement de 50 policiers municipaux supplémentaires travaillant jusqu’à 2 h du matin. L’objectif est d’atteindre 217 agents en 2026.  

Valentine Brevet