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Deen Burbigo, l’arsenal d’un rimeur à gages
Après deux semaines de report, le rappeur Deen Burbigo, sort son nouveau projet, la « Saboteur Mixtape Vol.1 ». L’occasion de retracer la carrière du lyriciste aux mille et une punchlines, au travers des performances les plus signifiantes de son talent.

Ses fans sont en ébullition ! Le rappeur Deen Burbigo libère enfin son nouvel EP (Extended Play), la « Saboteur Mixtape Vol.1 ». A cette occasion, Buzzles revient sur la discographie du natif de Marseille. Ponctuée par 6 et bientôt 7 projets en solo, sa carrière s’est accélérée seulement depuis 2017, à la sortie de son premier album.
Celui que l’on surnomme « Bigo » sort son premier projet intitulé « Dîn, rimes et interim » en 2010. Peu connu du public rap car absent des plateformes de streaming, cet EP prouve la singularité artistique du marseillais. Même sur des instrumentales Boom-Bap inspirées du rap américain des années 2000, le style et l’interprétation du lyriciste restent actuels. Avec des punchlines imagées, Bigo raconte son quotidien difficile dans la capitale, au moment où réussir dans le Hip-Hop était son seul objectif. Dans le morceau éponyme du projet, le rappeur alterne entre petits boulots, prières et rap. « Taffer, dormir, dormir, taffer. Ma vie à moi, ça fait dîn, rimes et intérim ». Grâce à sa foi, l’artiste esquive tous les tourments de la rue.
«J’entends vite faut palper, vendre du shit au quartier. Gâcher sa vie pour voir des chiffres sur du papier. C’est fou mais comme ça qu’tourne le monde. Grâce au dîn j’suis rescapé, suffit d’une seconde »
Rencontre avec L’Entourage, un tournant majeur
2 ans après la sortie de son premier projet, Deen Burbigo rencontre les rappeurs du collectif « L’Entourage ». Le groupe est notamment composé de Nekfeu ou de Alpha Wann, figures emblématiques du rap français actuel. Après avoir intégré le collectif, Bigo sort « Inception ». Dans l’EP, le même train de vie de jeune parisien est conté. Le morceau « Ma iv » retranscrit l’esprit du projet. Sur ce titre, Bigo partage le micro avec Jazzy Bazz, Alpha Wann et Nekfeu, confronté au même quotidien que Deen. Ce passage extrait d’un couplet, insiste sur la vie intense mais dure des 4 rappeurs.
« J’te parle de nos vies ou d’leur panorama quotidien. Analyse nos titres, pour l’heure, gars, t’auras pas nos vies d’chiens. Le mal et le dîn, ouais, ça c’est ma iv’ et fallait le dire. Si tu vises le meilleur, khey, sois préparé au pire »
Si ses deux premiers projets dépeignent Deen Burbigo comme un rimeur à gages, l’artiste aime et maîtrise, aussi, la mélodie. Son troisième projet « Fin d’après-minuit » sort en 2013. Le public le découvre dans un style différent. Les instrumentales actuelles et chantantes contrastent harmonieusement avec le flow (style)incisif de l’artiste. Le morceau « J’résiste »en collaboration avec le chanteur Nemir, illustre ce changement. Le titre est un appel désespéré au succès qui n’arrive pas. Une adversité qui met Deen Burbigo face à lui-même et à son passé.
« J’ai le cœur endolori, un lointain souvenir d’la vue en coloris. Je vise le luxe et l’ergonomie, j’me fous de l’économie. Je vise les gros billets que brassent les gros lobbies »
Avec un refrain planant et poignant, Nemir scelle une association prometteuse, que l’on retrouvera 3 ans plus tard, sur son premier album.
« Grand Cru », la consécration
L’année de ses 30 ans, en 2017, Deen Burbigo sort son premier album « Grand Cru ». Une sortie qui peut être considérée comme tardive. Mais comme le souligne Bigo dans une interview donnée au média LREF, « Un Grand Cru, ça se mature ». Ce premier album, certifié disque d’or, signe le début du succès du rappeur aux yeux du grand public. On y retrouve le single d’or « Tu rêves » en collaboration avec Nekfeu. Le clip totalise aujourd’hui 11 millions de vues sur YouTube. Le morceau met en scène Bigo en train de courir, sans grand succès, après la femme de ses rêves.
« Elle m’est apparue seule au fond d’la boîte, comme un crayon d’couleur blanc. Le temps s’est arrêté pendant quelques secondes, j’étais figé me demandant : « Est-elle de ce monde ? ». Trop belle pour un décor aussi laid, le charisme et l’élégance d’une actrice de ciné »
« Grand Cru » est une bouffée d’air frais pour les fans de Deen Burbigo, que ce soit dans les styles de rap employés tantôt rappés tantôt chantés, mais aussi dans les thèmes abordés. Le marseillais parle par exemple d’amour, une thématique jusque-là assez rare dans sa proposition artistique.
Presque 4 ans après la sortie de son premier album, Deen Burbigo revient avec un second, intitulé « Cercle Vertueux ». La trentaine révolue, le rappeur prend désormais du recul sur la vie. Fini les mauvais choix, le lyriciste adopte un style de vie plus sain pour se protéger de l’âge, tel un grand cru qu’on conserve dans une cave. Le morceau « Jeu d’échecs » qui conclut l’album illustre cette introspection. Le titre allie une instrumentale baignée de mélancolie, une performance rappée douce et éloquente sans oublier une technique irréprochable.
« L’âge adulte, c’est pas un jeu d’enfant, j’dirais plutôt un jeu d’échecs. Et l’enfance : un jeu de dames, j’veux qu’le soleil me dore, pas qu’le feu me crame. J’me suis perdu dans le ‘teu de Dam (han), le matériel et les gos vulgaires ».
Bigo joue sur la polysémie de trois célèbres jeux de stratégie : le jeu d’échecs, le jeu de dames et le jeu de go. Le rappeur explique que la vie d’adulte est bien plus compliquée que celle d’un enfant car elle impose des règles à respecter. Elle se traduit par des échecs desquels il est vital de tirer des leçons pour s’en sortir. Un album à la robe douce, se laissant déguster à petits traits.
L’OG San du rap français
Pour compléter sa discographie, Deen Burbigo sort son nouvel EP « OG San », en juillet 2021. « OG San » devait être initialement un morceau de son dernier album, comme l’a expliqué le rappeur sur son compte Instagram. « CERCLE VERTUEUX a déjà 7 mois ! J’avais prévu de faire un dernier clip pour le titre OG SAN… Au final j’en ai fait un EP de 8 titres ».
Le projet est influencé par le Japon. Les clins d’œil au pays du soleil levant y sont nombreux, à commencer par le titre de l’EP. « OG » signifie « Original Gangster », terme utilisé par les premiers rappeurs américains dans les années 80 – 90. Le mot japonais « San » veut dire « Monsieur ». Le titre « Sennin Mode », référence directe au manga Naruto, démontre toute la technique du rappeur. Sur une instrumentale aux sonorités rappelant les bandes originales d’un manga animé, Bigo surclasse tout.
« Pour s’en sortir dans c’biz, faut des couilles et d’la chatte comme des hermaphrodites (ouh). J’suis level Cerval, Broly, j’suis un roi sans couronne, j’suis un Verbal Brolik. Entouré de gestes maçonniques, même chez l’médecin, j’ai moins peur des virus que des vaccins (han) »
Ce passage montre la capacité de Deen Burbigo à concilier rime, musicalité et réflexion. Un cocktail rare dans le rap français. Il y a un mois, Bigo a annoncé travailler sur la partie deux de OG San, sur son compte Twitter. « De mon côté j’suis sur la suite d’OG SAN. Ceux qui veulent du Bigo, normalement cette année vous allez être bien servis ! ».
En attendant, la « Saboteur Mixtape vol.1 » est maintenant disponible sur les plateformes de streaming. 48 minutes de rap, 17 titres et 22 artistes différents. La Fève, Jazzy Bazz, Nekfeu, Alpha Wann ou encore Eff Gee, EDGE et Ratu$, tous les trois signés chez Saboteur Paris, le label de Bigo, ont répondu à l’appel. Après presque 20 ans de carrière dans le rap, le rimeur à gages semble être loin d’avoir épuisé toutes ses cartouches.
Rémi Capra-Brocard