
Arbitres sonorisés : l’IFAB veut rester prudente
Arbitrage à assistance vidéo, goal line technology, l’institution centenaire qui régit les lois du football n’a pas hésité à faire évoluer le jeu via la technologie ces dernières années. Pourtant, il semble que l’IFAB (International Football Association Board) soit le dernier acteur du football à ne pas encore vouloir la diffusion des micros placés sur les arbitres en direct, son président Lukas Brud explique pourquoi.

« La rencontre AS Saint Etienne – AS Monaco comme si vous y étiez grâce à Bastien Dechepy. » Voilà la promesse faite sur Twitter par Amazon prime, diffuseur officiel de la Ligue 1, le 23 Avril dernier. Un véritable test grandeur nature de la sonorisation des arbitres de Ligue 1, qui a plu aux fans. Sous le tweet, les commentaires sont unanimes : « Fan, généralisez ça ! » La sonorisation semble aussi faire l’unanimité auprès des joueurs, puisque l’UNFP (l’Union nationale des footballeurs professionnels) a donné son feu vert il y a un an déjà, en octobre 2021. Même les arbitres, selon un sondage de la même année, seraient d’accord à 60 %.
La Fédération Française de Football n’a pas souhaité répondre favorablement aux sollicitations de Buzzles pour interroger Pascal Garabian, directeur technique de l’arbitrage et des arbitres de Ligue 1. L’IFAB (International Football Association Board), qui est l’institution qui régit les règles du football depuis 1886 (par exemple, c’est cette institution qui a introduit l’arbitrage vidéo ou augmenté le nombre de changements par match) est la dernière à devoir donner son feu vert pour la sonorisation des arbitres. Lukas Brud, président de l’IFAB, déclare préférer rester prudent : « On entend que les joueurs seraient d’accord, mais comment on leur a présenté la chose ? Je ne dis pas que je ne les crois pas, mais est-ce que les joueurs interrogés ont eu tous les éléments ? Il faut être très prudent, mon travail et celui de l’IFAB est de savoir si tous les joueurs interrogés ont eu tout le contexte. »

Une sonorisation partielle serait envisagée
Pour Lukas Brud, on ne peut pas juste être pour ou contre la sonorisation des arbitres : « On doit rendre la chose claire jusque dans les moindres détails. Si je vais voir un fan et que je lui demande s’il veut entendre les arbitres pendant les matchs, il va me dire oui, mais les arbitres peuvent dire que ça les limite dans leurs communications ! Une parole pourrait être mal interprétée en fonction du contexte, d’un match à l’autre. Il y a encore beaucoup de points comme ça à éclaircir, c’est très simple d’être pour ou contre, mais il faut bien comprendre tous les aspects qui se cachent derrière une question comme celle des micros sur les arbitres. »
De fait, selon lui, un tel dispositif couvrant les matchs en entier bouleverserait la manière d’arbitrer des hommes en noir : « Les arbitres ne sont pas tous les mêmes, certains parlent tout le temps à leurs assistants et d’autres pas du tout. Un arbitre peut dire à son assistant « ne me parle pas, je viens vers toi quand j’ai besoin » quand un autre va dire « dès que tu vois quelque chose, dit le moi. » Ce que je veux dire, c’est qu’on entendrait pas du tout les mêmes choses en fonction de qui arbitre. Les gens n’ont pas confiance en les arbitres, ce qui est ridicule, car ce sont des professionnels. Pour être honnête, en particulier en France, les arbitres sont très bons ! Imaginez maintenant que n’importe qui puissent accéder à leurs conversations, cela serait un énorme désastre, j’en suis sûr et certain. »
Malgré tout, l’IFAB n’est pas diamétralement opposée à l’introduction du micro, mais veut poser des conditions : « La position qu’on a maintenant est : oui, c’est quelque chose que nous voulons considérer pour le futur, mais certainement pas maintenant. On pense à autoriser la diffusion du micro seulement pendant que l’arbitre rend une décision de VAR (arbitrage vidéo), car c’est le seul moment du match ou les arbitres fonctionnent tous de la même manière en rendant leur décision, par exemple : « numéro 15 penalty pour main. » Sonoriser toute la rencontre, pour le moment, ce serait dangereux de faire ça. Ça ne veut pas dire que ça ne viendra jamais, mais on veut être sûr que ça fonctionne déjà dans les phases de VAR, et pas avec des micros ouverts en permanence parce que les arbitres doivent s’y adapter. »
Des micros pour un foot transparents… ou « sexy » ?
Enfin, selon le président de l’IFAB, il est important de comprendre pourquoi les fédérations et les ligues veulent introduire les micros : « Les arguments pour rendre les communications des arbitres écoutables par le public sont très variés. Ces arguments sont propres à certaines fédérations. Par exemple, en Australie, on nous a dit « ici le football n’est que le 5ème ou 6ème sport préféré, on doit le rendre plus intéressant, plus sexy. » La MLS (la ligue de « soccer » aux États-Unis) nous a dit « tous les sports aux Etats-Unis ont cet équipement, on en a besoin pour que le football soit en cohérence avec les autres sports. » Enfin, en Europe, on nous le réclame plutôt pour une meilleure transparence avec les fans, une meilleure compréhension, surtout quand une décision de l’arbitre est changée. » Des arguments différents, dont l’IFAB doit encore étudier la pertinence avant d’envisager une éventuelle mise en place du dispositif de sonorisation des arbitres.