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Pollution sonore : un phénomène sous-estimé malgré des conséquences dramatiques
Moins connue que la pollution atmosphérique ou aquatique, la pollution sonore est pourtant le facteur de nombreuses pathologies. Les solutions existent.

C’est une forme de pollution que l’on ne peut pas voir, ni sentir, ni toucher ou goûter : la pollution sonore. Il y a douze ans, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) la qualifiait de « menace sous-estimée ». Elle est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Que ce soit pour nos modes de déplacement ou de communication, la liste des inventions de l’homme qui génèrent des sons est longue. Sans ces sons, le monde moderne fonctionnerait parfois bien différemment. Chaque minute en moyenne, nous entendons des millions de sons différents, soit des milliers de couches superposées les unes aux autres. Mais au cours de l’histoire, les sons se sont petit à petit transformés en bruit : un ou plusieurs sons, en particulier ceux qui sont forts, désagréables ou qui dérangent. Ce sont ces bruits, à l’origine de la pollution sonore, qui dégradent sérieusement notre santé.
147 milliards d’euros
C’est ce que coûteraient par an à la France les impacts de la pollution sonore. Ce nombre est tiré d’une étude du Conseil national du bruit (CNB) et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publiée en juillet 2021. Pour arriver à ce résultat, les organismes ont pris en compte l’ensemble des coûts marchands (maladies, accidents du travail, hospitalisations, etc.) et non marchands (perte d’années de vie en bonne santé, difficultés d’apprentissage, etc.) causés par une exposition excessive aux nuisances sonores. 68,4 % de ce coût social, soit 106,4 milliards d’euros par an, correspond au bruit des transports, principalement le bruit routier qui représente 51,8 % du coût total, suivi du bruit aérien (9,4 %) et du bruit ferroviaire (7,2 %). Le coût social lié au bruit de voisinage, pour lequel il existe très peu de données chiffrées, est évalué à 26,3 milliards d’euros par an (16,9 % du coût total).
Un constat alarmant
La perte d’audition est la quatrième cause d’invalidité dans le monde, et elle devrait s’aggraver. Rien qu’aux États-Unis, un adulte sur quatre présente des signes de perte auditive due au bruit. Juste derrière la pollution atmosphérique, le bruit est la cause de plus de 10 000 décès prématurés en Europe. 466 millions de personnes vivent avec une perte auditive invalidante. Et 80 millions d’Européens sont confrontés chaque jour à des niveaux de bruit inacceptables, selon les scientifiques. Dans notre pays, 25 millions de Français souffrent du bruit.
L’une des principales raisons de ce phénomène est le bruit qui nous entoure au quotidien. Selon l’Agence de protection de l’environnement, la meilleure façon de protéger notre audition est de limiter les niveaux sonores à 70 décibels. Les experts s’accordent à dire qu’une exposition continue à un bruit supérieur à 85 décibels finira par nuire à notre audition. Aujourd’hui, le niveau sonore moyen de 98 décibels dépasse la valeur de 50 décibels autorisée par l’OMS pour les zones résidentielles, il est donc presque deux fois plus élevé qu’il ne devrait l’être, et cela entraîne de nombreuses conséquences. Selon Bruitparif, le bruit fait perdre près de 11 mois d’espérance de vie en bonne santé.
« L’ouïe est précieuse »
Selon l’OMS, le bruit est le deuxième facteur environnemental le plus nocif en Europe. « L’ouïe est précieuse. Une déficience auditive non soignée peut avoir des effets dévastateurs sur l’aptitude des personnes à communiquer, à s’instruire et à gagner leur vie. Elle peut aussi avoir des répercussions sur la santé mentale et sur la capacité à entretenir des relations », a déclaré dans un rapport le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. Notre niveau de stress est plus élevé, notre distraction accrue, on développe des problèmes de concentration, des troubles du sommeil, des acouphènes ou encore une perte définitive d’audition. On a aussi plus de risques de maladies cardio-vasculaires, d’obésité ou de souffrir de diabète. Pour les scientifiques, les personnes vivant dans une zone survolée par les avions pourraient prendre dix fois plus d’anxiolytiques et d’antidépresseurs que les populations vivant dans une zone calme.
Des solutions déjà mises en œuvre
En France, la pollution sonore est inscrite dans le code de l’environnement. Depuis janvier 2021 et jusqu’à fin 2022, le gouvernement expérimente le radar sonore – des capteurs couplés à une caméra 360° – dans huit villes françaises. Si le bruit dépasse les 90 décibels, l’amende sera de 135 €. À Nice, la métropole a déployé depuis 2019 onze « radars pédagogiques de bruit », qui auraient permis de réduire de 30 % les pics de pollution sonore. Avec ces nouveaux outils dernière génération, placés sur les grands axes (comme l’avenue Félix Faure), la mairie de Nice patiente avant l’autorisation de dresser des amendes, à l’horizon 2023.
D’autres villes optent pour des solutions plus vertes comme à Grenoble où des murs végétalisés ont été érigés par endroit, permettant de réduire le bruit généré par l’autoroute. La réduction de la vitesse des automobiles, un meilleur partage de la route, moins de voitures, plus d’espaces verts, plus de mobilités douces et de transports en commun… Les solutions sont là. C’est avant tout une question de santé publique.