octobre 28

Maureen Poignonec : « J’ai soulagé mon anxiété grâce à mon militantisme »

crédit : Little Urban

Née en région parisienne dans une famille italo-bretonne portée par la fibre créative, la dessinatrice Maureen Poignonec se destine dès le collège à une carrière dans le dessin. Après avoir repris goût tardivement à la lecture et pris conscience de l’urgence climatique, elle décide de s’engager dans la cause.

Elle dessine d’adorables baleines aux proportions fantasques, mais manifeste aussi sur le tarmac de l’aéroport de Roissy, Maureen Poignonec est illustratrice jeunesse et activiste pour l’environnement. Pas vraiment adepte du système scolaire étant plus jeune, la Parisienne désormais exilée à Rennes a toujours su occuper ses longues heures de mathématiques en dessinant dans les marges de ses feuilles. La lecture non plus ne l’attirait pas plus que ça : « Je voyais ça comme une contrainte […] les livres qui m’ont marqué c’est avant tout grâce à leurs images encore ancrées dans ma tête » admet-elle en évoquant son ultime référence « le loup est revenu » de Geoffroy de Pennart. Une affection pour l’illustration qui la lie à son grand-père qu’elle a toujours beaucoup regardé dessiner. Une passion arrivée tôt, qui ne la quittera plus. Pourtant, connaître sa voie ne l’empêchera pas de passer par les chemins sinueux du postbac. La trentenaire se confie avec le sourire, elle est passée par cinq écoles d’art qu’elle ne terminera pas. Qu’importe pour Maureen Poignonec, qui publie son premier livre « dix petites souris cherchent une maison » en 2015 à l’âge de 23 ans. Un talent salué et remarqué par le festival international de la BD d’Angoulême qui la classe parmi les 10 jeunes talents à suivre.

« Mes dessins sont moins choquants que les propos du GIEC »

La jeunesse qui sensibilise la jeunesse, c’est aussi ça le créneau de l’illustratrice qui jouit d’une grande autonomie dans son travail. Elle profite de la liberté que lui octroient les illustrations d’enfance pour faire passer ses messages, notamment écologiques : « Pour alerter, je me sers de mes dessins, moins choquants que les propos du GIEC ». En dédicace ou en intervention scolaire, Maureen Poignonec rencontre son lectorat, de quoi donner du sens à son travail : « Les rencontrer (les enfants) me pousse à travailler, je sais pourquoi je le fais » explique-t-elle en agrémentant d’une dernière étoile dorée sa dernière dédicace pour la jeune Mia. Une productivité qu’elle n’a plus à prouver, puisqu’elle compte plus de quarante livres à son actif. Les livres, une passion venue de sa mère mais aussi de sa grand-mère, que Mauren Poignonec a mis du temps à chérir : « J’ai recommencé très tard avec les Harry Potter [rires], maintenant c’est un réel besoin, une héritage de ma mamie… » confie-t-elle. Complètement réconciliée avec la lecture et son aspect éducatif, elle se penche sur des ouvrages qui traitent de l’urgence climatique : Perdre la Terre, du journaliste américain Nathaniel Rich, mais aussi des livres du très reconnu auteur et conférencier, Pablo Servigne.

Hypersensible et activiste

Difficile de dater les débuts de l’illustratrice dans le militantisme tant elle a toujours été révoltée par les inégalités qui l’entouraient : « l’injustice sociale m’a toujours fait du mal, une souffrance bien profonde » raconte-t-elle. En plus de son régime végétarien qu’elle entretient depuis ses 17 ans, Maureen Poignonec s’éprend de curiosité pour les documentaires sur l’industrie textile et sur l’environnement. En 2020 elle se décide à rejoindre le collectif Alternatiba qui mène des actions de désobéissance civile. Une hypersensibilité compatible avec les actions coup de poing auxquelles elle prend part : blocus de l’assemblée générale de Total Energies, manifestations sur le tarmac de l’aéroport de Roissy… « J’ai soulagé mon anxiété grâce à mon militantisme » admet l’illustratrice. En 2022, elle concrétise son engagement pour la cause climatique avec son dernier ouvrage « 10 idées reçues sur le climat » écrit par Charlotte Fleur Cristofari et Myriam Dahman toutes deux expertes environnementales. Un livre préfacé par l’activiste Camille Etienne et dernièrement récompensé par le prix du livre engagé pour la planète au festival du livre de Mouans Sartoux. Un accomplissement et un véritable outil pédagogique destiné aux 12 ans et plus : « Notre livre est pensé pour ne pas donner d’« écoanxiété », on donne de l’espoir sans parler d’un renoncement absolu, mais bien d’un monde nouveau » rassure-t-elle. Un trio d’artistes efficaces et surtout complémentaires selon Maureen Poignonec : « Les filles (les deux autrices) se sont réapproprié des rapports et des travaux scientifiques très complexes, c’est un boulot phénoménal. Elles ont réussi à trouver les mots que je n’ai pas, là où moi, j’ai su les illustrer. »

Le lien entre illustration jeunesse et actes de désobéissance civile peut sembler curieux, elle répond au paradoxe : « Si je me bats avec des milliers de personnes, c’est justement pour offrir un monde meilleur aux enfants, les mêmes pour qui je dessine. »

Jade Sadmi