Durement touchée ces dernières années, Cannes anticipe de nouvelles inondations

Frappée en 2015 et 2019 par des crues meurtrières, la ville de Cannes a choisi de prévenir de nouvelles intempéries et a développé une grande stratégie de lutte.

La ville de Cannes s’est dotée d’un tout nouveau poste de commandement avec des équipements de pointe pour gérer les catastrophes, dont les inondations. Photo CACPL.

Cinq morts et plus de 300 millions d’euros de dégâts, voilà le bilan des deux épisodes de fortes inondations de 2015 et 2019 sur la commune de Cannes. Le 3 octobre 2015, ce sont 196 millimètres d’eau qui se sont abattus sur la cité des festivals. « Cet orage stationnaire a déversé l’équivalent de six mois de pluie en une heure et demie » se souvient Paul Marquis, météorologue indépendant, basé à Marseille. À présent, la ville est contrainte à l’adaptation.

Les inondations sont le résultat d’importantes précipitations issues d’un phénomène désormais bien connu dans la région, surtout entre septembre et novembre : les épisodes méditerranéens. « Ils se produisent par conflit de masse d’air. L’eau de mer est encore chaude et l’air qui arrive est plus frais. La différence de température provoque ces forts orages » éclaire Paul Marquis. Avec le réchauffement climatique, les épisodes ne sont pas forcément plus fréquents, mais plus violents et diluviens. Dès que l’air ambiant gagne un degré, les précipitations peuvent augmenter de 13 %. Sur un an, il pleut donc toujours les mêmes quantités, mais sur des périodes plus restreintes, avec des phénomènes de plus en plus extrêmes. Paul Marquis insiste : « il est trop tard pour réagir, on ne pourra pas annuler le risque, il faut essayer de réduire les impacts à présent. Car la question n’est pas de savoir si cela va recommencer, mais quand cela va se produire ».

Une prévention en deux approches

C’est un facteur dont les autorités de la ville sont bien conscientes : « on ne peut pas éviter le risque de fortes précipitations », note en effet Yannick Ferrand, le directeur des risques majeurs de la mairie de Cannes. « Depuis 2015, il y a eu beaucoup d’évolutions », souligne-t-il. Deux approches sont ainsi sur la table à Cannes : « développer une culture du risque et faire les aménagements nécessaires », fait-il connaître.

Par « culture du risque », il ne faut évidemment pas entendre des stages de survie ou des formations aux sports extrêmes, mais bien de la sensibilisation et de l’information. « Des actions ont été menées pour alerter en amont la population de ce qu’il peut se produire. La réserve communale de sécurité civile fait de la prévention dans les classes de CM1 et CM2. Les enfants sont parfois plus réceptifs que leurs parents » rend compte Yannick Ferrand.

De nombreux aménagements sont aussi réalisés dans le cadre d’un PAPI, un programme d’action de prévention des inondations. « Le territoire est très urbanisé, cela provoque un phénomène de ruissellement des eaux et donc favorise les inondations » souligne Paul Marquis. Dans cette optique, la mairie a fait le choix de renoncer à deux projets immobiliers pour maintenir quelques espaces verts. À Cannes, les travaux se résument surtout au recalibrage et l’aménagement de plusieurs cours d’eau (notamment la Frayère et la Foux) pour faciliter les écoulements. Le quartier du Carimaï, très impacté en 2015 a été rasé par la ville pour créer un bassin de rétention. « Il faut désormais accepter et vivre avec le risque. On prend en compte les inondations dès qu’il y a de nouveaux travaux », énonce le directeur des risques majeurs.

Être plus efficace le jour-J

Il s’agit aussi d’améliorer constamment le système d’alerte aux populations. Trois cents haut-parleurs sont installés partout dans la ville. En cas de crise, des messages peuvent ainsi être diffusés en complément de traditionnelles sirènes « pas toujours bien comprises » selon Yannick Ferrand, « les haut-parleurs permettent d’expliquer clairement ce qu’il va se passer et comment réagir ». Le système « Cannes Alerte » qui compte 50 000 inscrits envoie aussi des SMS ou des messages vocaux sur les téléphones portables pour assurer un relais optimal de l’information. « Quand vous recevez toutes ces informations en même temps, c’est anxiogène. Les gens prennent mieux la mesure du danger et se mettent en sécurité », note le directeur des risques majeurs. Ces systèmes ont été utilisés en 2019 avec les deux vigilances rouges des 24 novembre et 1er décembre et jugés « très efficaces ». Il est d’autant plus important de pouvoir prévenir les habitants rapidement que les épisodes méditerranéens sont difficilement prévisibles en avance. « Ils sont plus localisés et on ne sait pas forcément où ils tomberont précisément. On peut prédire une zone susceptible d’être touchée, mais pas toujours plus » explicite Paul Marquis.

Quand la crise survient, toutes les opérations sont gérées depuis le poste de commandement communal et Cannes vient d’en inaugurer un nouveau « plus performant et innovant ». « On l’ouvre dès qu’il y a une vigilance orange et on surveille l’évolution des événements, ça nous permet de réagir vite si les signaux ne sont pas bons », souligne Yannick Ferrand. « On coordonne les actions sur le terrain et le maire peut prendre les décisions avec toutes les informations au même endroit. »

L’automne 2022 est pour le moment très calme, de quoi soulever les inquiétudes de Paul Marquis : « c’est très rare, car c’est en octobre qu’il devrait pleuvoir le plus normalement. Cela n’annonce rien de bon pour la sécheresse de l’année prochaine. »

Bastien DUFOUR