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Le numérique révolutionne aussi « le live » de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc
Concentré d’innovations et d’expérimentations, le direct suit la tête de course femme et homme sans interruption. Immersion avec ceux qui traversent l’épreuve depuis leurs écrans de contrôle.

Après plusieurs dizaines d’heures de direct, la fatigue est présente dans la régie de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Décryptage des postes en fin d’article. Photo : Victor Letisse – – Pillon.
C’est avec une pointe d’émotion que Floris Calori, régisseur chargé des réseaux internet, regarde les images du live sur l’Équipe TV. Depuis 10 ans, il s’attèle à concevoir ce direct pour le rendre diffusable à la télévision. « On est partis de rien ! Au début, on était contents quand on arrivait à suivre le coureur sur 200 m avant et après le ravitaillement. Maintenant, on est capable de suivre en permanence et de proposer un signal fiable pour les télévisions ! » se rappelle le trentenaire. Chaque année, la fin de l’été est marquée par la grande messe de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). Pendant six jours, tous les yeux sont rivés sur les coureurs à Chamonix. Une épreuve mythique qui met aussi à rude épreuve les équipes techniques.
Un dispositif unique
Une seule solution pour obtenir des images de la tête de course : avoir un cameraman qui suit en permanence les coureurs. Seulement, le matériel traditionnel est lourd, encombrant, fragile… difficile d’enchaîner les kilomètres et le dénivelé à vive allure. Des motos dénatureraient la nature du trail et les secousses seraient trop grandes avec le terrain accidenté. « Il a fallu innover ! On a conçu des sacs “runnner” pour envoyer les images. Comme ils sont portés par des sportifs eux-mêmes issus du monde du trail, il fallait qu’ils soient résistants, faciles à brancher et légers. » détaille Laurent Montel, motion designer, réalisateur et surtout acolyte de Floris Calori. « L’avantage des Go Pros – des caméras miniatures – c’est leur stabilisation logicielle. Grâce à elles, on peut se passer d’un équipement encombrant sans donner l’envie de vomir aux gens chez eux. » poursuit-il. Les cadreurs-coureurs se relaient tout au long de la course et sont régulièrement assistés de drones ou de vélos électriques : « C’est une véritable logistique avec un travail de repérage en amont. Selon le sentier, la couverture 4G, les points d’intérêt, les sites protégés, on choisit le plus adapté. » souligne Sébastien Chaigneau, responsable de l’équipe terrain et ancien champion de trail.
En régie aussi les innovations sont nombreuses : « On a des systèmes hybrides et on utilise au maximum le réseau Ethernet pour réduire les câbles. Avant, on devait tirer des câbles en avant, en arrière… Maintenant, tout passe par un seul câble Ethernet, le même que sur votre box internet ! » explique Floris Calori. « Ça reste quand même un peu le bazar parfois ! » plaisante Gwenaëlle Rabbin. Reprenant son sérieux, elle enchaîne sur son poste : « Je m’assure en permanence de qui filme qui ! Par exemple, si le cadreur E est sur Mathieu Blanchard dans montée finale de l’UTMB Chamonix derrière Killian Jornett, j’indique qu’il est deuxième homme, je le titre Mathieu Blanchard, je vérifie le profil de la course, je vois si on a un écart disponible, etc. C’est le réalisateur qui décide ensuite ce qu’il montre. ». À l’aide d’automatisations nombreuses, de programmes informatiques, l’équipe régie occupe plusieurs postes à la fois : « On peut faire tourner un live à trois. ».
Commenté en six langues
« On diffuse en français, anglais, espagnol, japonais, chinois et cette année on a ajouté le Thaïlandais ! » énumère Floris Calori. Un multilinguisme qui complexifie le montage technique : « On doit d’abord produire un international – un programme avec les images brutes et les titres – qu’on envoie ensuite aux différentes langues et aux télévisions comme l’Équipe 21 ».
Les commentateurs sont clés pour animer les longues heures de direct. Marie-Sophie Carpentier, Martin Gafurri, Éric Lacroix… tous sont attendus par le public expert. Chacun ont leur spécialité en plus de connaître les coureurs sur le bout des doigts : « Avec mon passé de journaliste, je suis plus habituée à faire des fiches, préparer des thèmes… Toute la difficulté, c’est ce temps très long ! » explique Marie-Sophie Carpentier, elle poursuit sur son duo avec Éric Lacroix : « Il est vraiment expert dans certains domaines et peut tenir une heure sur les boissons énergétiques ! Je me pose alors en situation d’interview : on n’a pas de conducteur – de déroulé – particulier. Martin lui, a plus les codes d’internet et il est parfaitement bilingue pour mener les interviews sur la ligne d’arrivée. ».
Trois sociétés unies
Derrière la production, une entreprise : outdoor sport live. « C’en est une pour en cacher trois. » glisse Floris Calori. En effet, LTV Prod, Mouss Production et Focale Prod allient leurs compétences pour proposer le suivi en direct. La première est experte dans le domaine des réseaux internet, la deuxième entretient une équipe de cadreurs-coureurs et la dernière fait une captation « plus tradi » avec de grosses caméras au départ et à l’arrivée. C’est en joignant les spécialités que la marque outdoor sport live propose des prix « défiant toute concurrence ». Pour Laurent Montel, le direct du Tour de France fait office de modèle : « On veut faire la même chose avec un budget et des équipes 10 fois plus réduites ! On a dû trouver toutes ces astuces pour réduire les coûts humains et financiers. ». Même si l’aventure entamée il y a 10 ans a pris de l’ampleur : « On a commencé par prendre un petit coin de la pièce et puis l’année d’après un peu plus… Jusqu’à aujourd’hui, où y a trois lignes et on manque de place ! ». Prochain chantier pour les équipes : « éditorialiser les courses ». Apprendre à créer des enjeux, accrocher et réexpliquer au spectateur les « faits de courses » sur ce sport de (très) longue haleine.

En rouge : Gwenaëlle Rabbin et Adrien Fauvet au poste titrage. En bleu : Arnaud Damian au poste de réalisation. En vert : Floris Calori au poste de support terrain et speakers. En rose pourpre : Laurent Montel au motion-design et création de médias. En violet : Isabelle Levionnois au suivi éditorial. En jaune : Eva Guillegault au replay. Photo : Victor Letisse – – Pillon.
Victor Letisse–Pillon