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La disparition du timbre rouge, attendue mais pas bienvenue
Depuis le 1er janvier, le petit bout de papier rouge qui symbolise une lettre prioritaire a disparu pour laisser place à une version numérique. Une décision compréhensible économiquement, malgré une certaine affection du public pour la Marianne rouge.

Timbre vert ou timbre rouge ? Voici une question qu’on ne pose plus dans les bureaux de poste et de tabac. La livraison prioritaire de La Poste, dont la promesse est un acheminement en un jour ouvré, a entamé une révolution depuis le 1er janvier : fini le timbre arborant une Marianne de couleur rouge, à coller sur l’enveloppe. Désormais, pour respecter ce délai, La Poste propose un système un peu particulier : vous rédigez votre lettre sur internet tout en vous acquittant du prix du service, puis une fois transmise, elle est imprimée dans un bureau de poste proche de l’adresse d’arrivée, avant d’être envoyée dans la boîte aux lettres du destinataire. En clair, tout courrier envoyé de manière classique est désormais livré dans un délai de 3 jours, au mieux. Un choix que l’entreprise justifie par une évolution des moyens de communication, notamment chez les jeunes, qui rendent obsolètes les envois en un jour ouvré, mais aussi par la chute des envois : depuis 2008, le nombre de lettres prioritaires envoyées en France aurait été divisé par quatorze. Ainsi, La Poste affirme que les camions roulaient presque à vide, et que l’opération n’était rentable ni économiquement parlant, ni pour l’environnement. Un argument peu convaincant pour les différentes personnes que nous avons croisées devant un bureau de poste du centre-ville de Cannes. Tous regrettent le service, mais aussi et surtout l’objet, comme Awa, 39 ans : « C’était des souvenirs avant tout, on a tous nos grands-parents qui nous envoyaient des cartes postales ou qui même collectionnaient les timbres. Moi je pense que c’est quand même une très mauvaise idée, notamment pour les personnes âgées qui n’ont pas internet ». Des appréhensions que nous confirme Roland, 70 ans, qui envoie encore régulièrement des courriers, et qui ne dispose pas d’un smartphone : « J’utilise régulièrement les timbres rouges, j’en ai toujours un sur moi : c’est un vrai problème, on nous oublie, encore une fois. On me force la main ».
Les philatélistes, résignés face à ce changement historique
Si certains s’en servent encore tous les jours, d’autres ont fait des timbres leur passion, et ce, depuis leur enfance. C’est le cas de Bernard Alkan, 85 ans. Depuis une vingtaine d’années, il est membre du club de philatélie d’Antibes, dont il est désormais le président. Les timbres, il les accumule dans ses classeurs rangés méthodiquement dans son bureau. Sur son bureau, justement, traînent quelques plaquettes de timbres rouges : « Je les ai achetés il y a 15 ans ceux-là, et je continuerai à en utiliser tant que j’en aurai ». Pour lui, la décision de La Poste vient avant tout effacer symboliquement un objet qui a permis la communication depuis Napoléon III. Plus qu’un bout de papier, un bout d’histoire donc. Mais, même résigné, il suggère : « Quelle est l’utilité de le rendre numérique ? On ne peut pas dire que coller ce petit bout de papier sur une enveloppe était très compliqué, là, ils vont aller nous faire chercher des codes je ne sais où. L’objectif, c’est juste de faire des économies, c’est tout, on oublie le service public. »
La numérisation, un moyen de relancer le courrier selon La Poste
Outre ces économies réalisées par l’entreprise postale, l’arrivée du timbre numérique en remplacement des lettres prioritaires s’inscrit dans un mouvement général de la société vers la numérisation du contenu de nos portefeuilles. En effet, le ticket de métro parisien a déjà cédé sa place à une carte magnétique rechargeable, et dès le mois d’avril 2023, l’impression systématique du ticket de caisse après un achat cessera, remplacé, lui aussi, par un ticket digital. Tous trois ont en commun l’objectif de réduction des émissions de CO2, mais en ce qui concerne le petit papier rouge, La Poste évoque également une justification plus inattendue : celle de vouloir réconcilier les jeunes avec le courrier, et donc de stopper la chute du nombre d’envois postaux. Ainsi, en plus du timbre rouge digitalisé, vous pouvez désormais également acheter un timbre directement via l’application La Poste : vous payez et vous obtenez un code à inscrire sur l’enveloppe, en lieu et place du timbre à coller, avant d’envoyer de manière classique. Alors, peut-on vraiment encore espérer le retour des échanges manuscrits par courrier ? « Je n’y crois pas une seule seconde, et je pense que personne n’y croit, d’ailleurs », s’exclame Bernard Alkan. « Est-ce que vous, vous écrivez encore des lettres ? » s’interroge-t-il. Un silence se fait ressentir dans son bureau. « Voilà, c’est tout », conclut-il. Reste désormais l’avenir du timbre vert en question. Désormais seul en vente, hormis les quelques timbres commémoratifs temporaires, va-t-il finir un jour ou l’autre par, lui aussi, tirer sa révérence au profit du numérique ? La question est posée, mais le compte à rebours est peut-être déjà lancé…
Victor COMBALAT.