
Étiquettes
Décompensation psychique causée par la drogue
Ingérer des drogues peut entraîner des conséquences mentales irréversibles : selon les chiffres de 2022, cela représente 1 consommateur de cannabis sur 7.

« Mais ce soir, il a suffi d’une fois. D’un mauvais trip, un mauvais mélange. Pour qu’les drogues de synthèse te foudroient et qu’tu t’en ailles tutoyer les anges. Cerveau disloqué, convulsions hard-core et plus personne à bord pour piloter. » Dans son morceau « Scanner », le rappeur Gringe raconte l’histoire de son petit frère. Thibault est devenu schizophrène, pathologie chronique, après la prise de substances. Les drogues consommées par le frère du rappeur ont déclenché une décompensation psychique qui s’est développée en schizophrénie. Un phénomène peu connu parce que peu répandu. Il existe pourtant à plusieurs niveaux chez les consommateurs de drogue.
Une base propice, ou non
« La décompensation est un effondrement brutal des mécanismes de protection psychiques mis en place par une personne. Autrement dit, des éléments que l’individu se construit dans la tête pour se protéger », explique Marine Pichot, étudiante en 4e année de médecine. Parfois, cette décompensation peut être provoquée par un facteur externe tel qu’une situation de stress intense : par exemple surmenage, manque de sommeil, après un accouchement. Un contexte relationnel difficile ou encore la prise de drogues. Ajoutée à un ensemble de facteurs personnels, la drogue peut être le facteur déclencheur d’une décompensation psychique.
« La drogue induit une dé-réalitée. Ces substances peuvent être illicites ou non, comme les anesthésiants par exemple. Les individus qui ingèrent ses produits vont être déconnectés de la réalité, ils se sentiront voler ou être très fort. Mais cela n’est qu’une sensation et si pour eux c’est la réalité, elle ne l’est pas. Un patient atteint de décompensation psychique ressentira ces symptômes. Et cela provoquera, chez lui, une déconstruction de sa réalité », déclare l’étudiante en 4e année de médecine.
Le cannabis est une drogue « douce » consommée pour ses effets récréatifs. Elle fait partie de l’éventail des drogues qui peuvent provoquer des décompensations psychiques. Selon l’étude Cannabis et troubles psychotiques, il est fréquent de voir ces troubles mentaux chez les consommateurs de cannabis.
Des répercussions à vie
Les effets de la décompensation psychique sur le patient seront les bouffées délirantes. Elles surviennent le plus souvent chez des adolescents et des jeunes adultes âgés de 18 à 30 ans. Elles touchent en général des personnes fragiles, psychologiquement vulnérables, immatures, ayant du mal à s’adapter socialement et à trouver leur place dans le monde professionnel. Les bouffées délirantes peuvent cependant se manifester au même titre chez des personnes ne souffrant pas de problème particulier et chez qui aucun élément annonciateur ne peut être détecté.
« Dans 25 % des cas, la guérison intervient rapidement, de quelques jours à quelques semaines et aucune récidive n’est observée : la cause de cette bouffée délirante unique est alors difficile à expliquer. Mais elle peut également évoluer vers des états exclusivement aigus qui surviendront ultérieurement, s’orientant ainsi vers un trouble bipolaire. Enfin, le dernier type d’évolution serait une psychose chronique à type de schizophrénie, plus rarement psychose hallucinatoire chronique ou délire paranoïaque. Un cas ou la guérison, le retour à l’état normal, est impossible », décrit Marine Pichot.
Cette irruption du délire dans une vie normale et sans antécédents psychiatrique est très perturbante, d’abord pour les proches qui en sont les premiers témoins, puis pour la personne elle-même qui ne comprend pas, une fois l’épisode terminé, ce qui lui est arrivé.
« Dans le cas d’une évolution vers une psychose, pathologie psychiatrique chronique, telle que la bipolarité, ces personnes seront amenées à être régulièrement hospitalisées. La pathologie est stabilisée, le traitement est adapté et la personne peut avoir une vie sociale. Puis, la pathologie évolue systématiquement vers une décompensation. Une hospitalisation est alors nécessaire. La rupture avec la réalité qu’entrainent cette décompensation et ces bouffées délirantes peut être dangereuse pour la personne elle-même ainsi que son entourage. Puis à nouveau, la pathologie se stabilisera », souligne l’étudiante.
Se faire droguer à son insu
« Mon amie s’est fait droguer à son insu dans un bar. On lui a glissé de l’ecstasy dans son verre. Avec notre groupe de copine on l’a remarqué et on a tout de suite veillé sur elle. Personne n’a abusé d’elle », explique Emma, étudiante en science des organisations. Souvent, la drogue utilisée par les agresseurs est le GHB, surnommé « la drogue du violeur ». C’est une molécule utilisée notamment dans le cadre médical comme anesthésique. Il possède une double action à la fois sédative et amnistiante.
« Les jours et semaines qui ont suivi ont été terribles. Elle a eu des symptômes de délires, faisait des choses qui lui étaient inhabituelles. Elle se comportait de façon délirante. Elle ne venait plus en cours parce qu’elle n’y arrivait pas. Elle a fait plusieurs séjours en clinique, qu’elle ne pourra plus reprendre ses études et que les répercussions de ces évènements sont irréversibles. C’est extrêmement dur pour nous, ses amis, mais surtout pour ses parents, qui voient leur fille détruite », ajoute Emma qui voit moins son ami depuis l’événement. Son inquiétude s’est davantage amplifiée en observant de nombreuses personnes se faire droguer en boite, au bar, mais aussi dans les soirées privées.
Maxime Conchon