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Dry January : l’abstinence, un danger plutôt qu’une solution pour les plus dépendants
Meilleur sommeil, économies, perte de poids, peau fraîche et plus belle… Les bénéfices vantés du Dry January ont de quoi motiver à ne pas boire d’alcool pendant un mois. Mais l’abstinence est loin d’être sans risque pour les plus addicts

« Il ne faut ni diaboliser ni encenser l’alcool ». À travers ces mots prononcés lors d’un webinaire sur le Dry January le 17 janvier, Jean Clot, membre du GREA (Groupement romand d’études des addictions), résume l’enjeu de ce Défi de janvier. Pour le grand public, le Dry January se traduit souvent comme le mois sans alcool. Un sevrage qui offrirait de multiples bénéfices comme un meilleur sommeil, des économies ou une perte de poids. Mais pour les personnes dépendantes, s’abstenir de boire de l’alcool sur un mois, du jour au lendemain, n’est pas sans risque.
« Une forme de culpabilité »
Un article du Lancet pointe des effets pervers au Dry January. D’après la revue scientifique, la communication autour de ce Défi de janvier alimente l’idée que l’abstinence serait l’unique solution pour réduire sa consommation d’alcool et que s’abstenir ne serait qu’une question de volonté. Ne pas boire d’alcool pendant un mois « n’est pas du tout l’objectif » corrige Catherine Derochet, docteur en addictologie à l’hôpital de Cannes. « Il y a une partie de la population pour qui c’est impossible et cela peut provoquer une forme de culpabilité » évoque l’addictologue. Un sentiment de honte et de culpabilité également critiqué par The Lancet qu’il juge « grandement injuste ».
Développement de nouvelles addictions
Pour les personnes les plus dépendantes, être sevré d’alcool pendant un mois s’avère davantage nocif que bénéfique. En cas de dépendance physique, le sevrage peut entraîner des tremblements ou des sueurs. Pour un individu dépendant psychologiquement, l’abstinence va l’inciter « à se tourner vers une augmentation de la consommation du tabac par exemple » explique le Dr Derochet. Et de résumer : « l’arrêt brutal de la consommation d’alcool peut être dangereux pour les personnes dépendantes avec l’apparition de crises d’épilepsie

« Le Dry January, il ne faut pas l’entendre comme le mois sans alcool, mais plutôt comme une occasion pour réfléchir à sa consommation d’alcool » rectifie l’addictologue. À l’hôpital de Cannes, le Dr Derochet explique à ses patients les normes de consommation non-toxique d’alcool et les invite à les respecter. Celle-ci doit rester inférieure à deux unités d’alcool par jour et à dix unités hebdomadaires. Deux jours sans alcool doivent aussi être respectés dans la semaine.
Un changement de dogme par rapport au XXe siècle. « Avant, c’était le sevrage pur et simple » se remémore Sandra Pinel, présidente du FPEA (France Patients Experts Addictions) lors du webinaire sur le Dry January. « C’était le grand écart, les patients n’adhéraient pas aux soins » témoigne le Dr Derochet. « Aujourd’hui, cela les rassure d’être dans une consommation réduite non-toxique d’alcool plutôt que dans une abstinence qu’ils ne pourront pas tenir et qu’ils ne souhaitent pas ».
Aurélien DUFOUR