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Baisse de la fréquentation des salles de cinéma : un enjeu pour la démocratie expliqué par Jean-Michel Arnaud

Le grand écran a perdu près d’un tiers de ses visiteurs en 2022. Entre quartiers inanimés et liens sociaux réduits, cette baisse a des conséquences majeures sur la vie démocratique. 

Conférence de Jean-Michel Arnaud à la chapelle Bellini, dans le quartier de Vallauris à Cannes (page Facebook Les Amis de la Chapelle Bellini)

Cinéma et démocratie. Le lien entre ces deux termes peut s’avérer énigmatique. Jean – Michel Arnaud s’en est emparé, et en fait un ouvrage nommé “Et si le grand écran sauvait le lien social ?” qui est paru cette année. Le président du palais des festivals et des congrès, et conseiller municipal chargé de la Culture à Cannes, a donné une conférence à la Chapelle Bellini, ce vendredi 27 janvier. Au-delà de la promotion de son ouvrage, le cinéphile transmet sa passion et ses convictions au sein d’un petit comité, convivial et familial. 

“La culture est un bien essentiel à notre démocratie

Dans le cocon de l’association des Amis de la Chapelle Bellini, Jean – Michel explique l’enjeu du cinéma par rapport à la démocratie avec philosophie. “La culture est un bien essentiel à notre démocratie” témoigne le conférencier. Il poursuit avec cette citation de Malraux “La culture est la réponse à l’homme quand il se demande ce qu’il fait sur terre.” Et voilà, en quelques phrases, le public est saisi et fait un premier pas vers le sujet de M. Arnaud. L’homme fait part de toutes ces réflexions avec sincérité, notamment à propos de la fermeture des cinémas pendant la crise sanitaire de 2020. “J’étais effaré qu’on nous interdise d’aller au cinéma”. Une réflexion qu’il a mené vers le questionnement du lien entre la démocratie et le cinéma.    

L’art cinématographique est le seul qui est commun à l’humanité

L’art qu’est le cinéma est singulier. C’est un art de masse. 7 milliards de personnes fréquentent un cinéma chaque année. Tout le monde va au cinéma et c’est ce qui le classe en bien démocratique. “Une majorité d’êtres humains ne va jamais lire un livre, assister à une pièce de théâtre, voir un spectacle de danse, ou encore franchir la porte d’un musée, mais tout le monde sur cette terre aura vu des films. Ce réservoir d’images est un référentiel pour toute l’humanité. C’est une culture qui nous est commune” ajoute-t-il. Ce partage de sons, d’expériences, d’émotions et de savoirs passe par le cinéma. Les autres disciplines culturelles ne sont pas accessibles à toutes et à tous. Le grand écran rassemble les catégories politiques, populaires, et aristocratiques. Il a cette notion d’art et de non-art. “Il y a de la vulgarité dans les plus grandes œuvres cinématographiques, ce qui ressemble à la démocratie” explique l’élu. Ce point est d’ailleurs abordé dans son livre de la manière suivante « Rares sont encore aujourd’hui, dans nos démocraties fatiguées, les lieux où s’exerce aussi librement et sainement, avec autant de créativité, de désobéissance civile, l’opposition démocratique, le débat public. À nous d’en prendre soin. »

“Le cinéma est le cœur battant d’une ville”

Les cinémas ont des conséquences sur la vie et le lien social. “Le cinéma est le cœur battant d’une ville, il permet d’animer des quartiers” déclare Jean-Michel Arnaud. Après une séance, place aux débats et aux échanges. “Le fait d’aller au cinéma n’est pas anodin, c’est le partage d’une émotion. Et cela fait toute la différence avec un film que l’on regarde de son canapé”. Entre la crise sanitaire et l’émergence des services de streaming, le cinéma et notamment l’expérience cinématographique a subi un choc. Les conséquences sont visibles avec la baisse de fréquentation des salles de cinéma françaises qui s’élèvent à 30 % en 2022 en comparaison avec 2019 d’après le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

L’importance considérable du cinéma dans l’histoire de la démocratie

Le cinéma est un lieu d’exercice de la démocratie. Pour le démontrer Jean-Michel Arnaud emploie le terme “d’agora politique”. “Toutes les causes minoritaires, le cinéma s’en empare. Les films engagés ont un rôle capital dans la prise de conscience, l’acceptation, et l’avancée de tous les sujets de société depuis toujours” développe l’orateur. Cette liberté que les réalisateurs saisissent est source de progrès. 

Dans le passé, les régimes totalitaires ont essayé de dominer les productions cinématographiques. Cet art est un puissant vecteur d’influence. Raison pour laquelle, il est capital de faire pérenniser le cinéma. “Il faut l’encourager, y aller, au cinéma. C’est la lutte contre la norme » déclare Jean-Michel avec conviction. Il insiste sur la notion du “cinéma libre” incarné par Cannes. “Le festival de Cannes est né en opposition au Fascisme, c’est le festival du monde libre et il faut qu’on en soit fier”. Des paroles qui ne manquent pas d’émouvoir les membres du public présent dans la salle. La plupart résident à Cannes depuis des années et sont nées plongés dans le cinéma. La ville de Cannes illustre le lien entre cinéma, liberté et démocratie. 

Jean-Michel Arnaud évoque sans langue de bois les courants actuels qu’ils considèrent comme menaçants pour la démocratie : “dans un monde où l’individualisme, le complotisme, la cancel culture et le wokisme érodent le lien social : le cinéma persiste, c’est l’histoire et la mémoire collective. À l’heure où on voudrait déboulonner des statues, on ne touche pas aux films, on ne les supprime pas”. 

VEILLAS Flavie