février 07

À Cannes, des plaintes déposées pour agressions sexuelles contre un médecin

Plusieurs jeunes filles accusent un médecin Cannois d’agressions sexuelles lors de consultations. Elles témoignent pour Buzzles.

Agence Ameller et Dubois, Luc Boegly

«C’est l’officier de police qui a mis des mots sur ce qui m’était arrivé, ce médecin avait abusé de moi, j’étais victime d’une agression sexuelle. Je ne l’aurais jamais avoué de moi-même». En février 2022, Lisa*, va chez un médecin à Cannes où elle fait ses études, pour un ganglion inquiétant dans le cou, son médecin traitant n’étant pas disponible. «C’était le seul qui acceptait de nouveaux patients et qui était disponible dans l’après-midi ». Elle prend rendez-vous sur Doctolib, il n’a pas de photo de profil mais ça ne l’alarme pas.

«Tout est normal, il est médecin» 

«Je suis rentrée dans le cabinet, au début tout était normal et comme c’est un médecin je n’avais aucune appréhension car d’une manière logique j’étais en confiance, c’est une profession qui a une sorte d’autorité qu’on ne peut pas contester. Il me demande d’enlever mon haut j’avais un pull donc je me retrouve en débardeur sans soutien gorge devant lui, jusque là tout est normal. Il me dit « non mademoiselle il faut tout enlever », je me retrouve assise seins nus sur la chaise devant lui. À ce moment là j’étais un peu gênée de la situation mais comme encore une fois je me dis que tout est normal comme il est médecin. Je ne me suis pas méfiée, je ne me suis pas posé de questions. Il commence à m’ausculter, me touche très vite, en l’espace de quelques secondes seulement, le cou au niveau de mon ganglion. Très vite après il est descendu sur ma poitrine, il a commencé à me palper les seins de manière très insistante, j’ai remarqué à ce moment là que ce n’était pas normal. Ça a duré entre trois à cinq minutes, c’était très long.»

Le médecin mis en cause a accepté de répondre à nos questions sans aucune réticence, il a nié ces accusations et affirmé ne pas être au courant des plaintes portées à son égard, il dit ne pas avoir été contacté par la police.

Le médecin mis en cause change de ton à la fin du rendez-vous et devient beaucoup plus familier, il lui demande d’écrire ses coordonnées sur un post-it et de lui donner des informations personnelles (si elle avait un copain etc). Elle s’exécute, « je ne me rendais compte de rien je pleurais, sans trop comprendre ce qui m’arrivait, je n’arrivais pas à réfléchir de manière rationnelle ». Lisa voulait partir, alors elle marche vers la porte, le médecin la retient par le bras et lui dit en plaisantant « bon maintenant que j’ai votre numéro de téléphone je pourrais vous appeler pour boire un verre ». Le soir à 20 h elle reçoit un coup de téléphone la première fois elle ne répond pas. La seconde elle est en haut parleur avec ses colocataires, il lui dit « c’est le docteur, comment vous allez ? ». Il avait la même voix familière qu’à la fin du rendez-vous et lui propose qu’ils se voient. «J’ai pris les captures d’écran des appels pour avoir une preuve. » Le médecin mis en cause ne nie « absolument pas » l’existence de ces appels téléphoniques, « qu’on les appelle ça peut être pas mal parfois suivant les cas ou la pathologie que l’on rencontre mais c’est rare« .

« Je ne serais pas allée porter plainte de moi même ». 

Une de ses amies qui allait porter plainte pour une autre agression sexuelle en a parlé à la police et c’est un officier qui a appelé la victime pour lui dire de venir porter plainte. « Il m’a dit que c’était très important car il y avait déjà un dossier qui était ouvert avec deux ou trois témoignages de jeunes filles qui avaient relaté les mêmes faits que moi ». Un mois plus tard, Lisa décide d’aller porter plainte au commissariat de Cannes. « Je ne serais pas allée porter plainte de moi-même parce que j’étais complètement dans le déni. Ce qui était très dur, c’est d’accepter que je n’ai pas eu de réactions sur le moment, je me suis laissé faire et je m’en veux encore ».

Une psychologue de la police reçoit Lisa et lui fait comprendre que, pour que la plainte aboutisse et que son discours soit « crédible », il fallait qu’elle montre à quel point cet évènement avait eu des répercussions traumatiques sur sa vie. « Sur le moment, j’avais pris beaucoup de distance avec l’évènement, donc je ne me sentais pas capable de pleurer, je n’en ressentais pas le besoin, ni d’extrapoler mes émotions ». Lisa devait être rappelée par la police dans les mois qui suivirent mais elle n’a plus eu de nouvelles depuis ce jour. 

Le soir, Lisa est allée voir les avis sur Google et a lu des témoignages qui relataient quasiment les mêmes faits qu’elle :

« ATTENTION !! Geste déplacé au moment de la consultation, il me dégrafe le soutien-gorge pour m’ausculter !!!!! M’invite à plusieurs reprises à boire des verres chez lui et m’appelle tous les jours pour savoir comment je vais. Au moment de la consultation, il ferme la porte à clef de son cabinet et débranche la sonnette en disant que c’est pour être tranquille. »

Le témoignage d’une deuxième victime

Zoé* a, elle aussi, été voir le même docteur après une crise d’angoisse. Pendant la consultation il l’ausculte, prend sa tension et se munit d’un stéthoscope. L’homme se place derrière elle, «avec une de ses mains il écoute mon cœur et avec l’autre il me touche le sein sans raison de manière insistante durant quelques secondes. Je ne me suis jamais sentie aussi mal chez un médecin. Je ne suis pas allée porter plainte car pour moi ce n’était pas du tout logique de le faire juste parce qu’un médecin m’avait touché les seins dans le cadre d’un acte médical. Je ne me sentais pas légitime, on ne me croirait pas.»

Aujourd’hui, Lisa ne prend plus rendez-vous sur Doctolib et ne va plus que chez des médecins femme. Le parquet de Grasse n’a pas souhaité répondre au sujet d’une potentielle ouverture d’enquête.

*le prénom a été modifié

Laura Hue