Manifestation à Nice : les jeunes impactés par la réforme des retraites

Le mardi 31 janvier, les Français se sont mobilisés contre la réforme des retraites sur tout le territoire et parmi eux, des jeunes. Même si la retraite n’est pas pour tout de suite, ils se sentent déjà concernés par cette cause. 

Des étudiants dans la manifestation à Nice le 03/02/2022 – photo Lucie Verdier

Deux semaines après la première manifestation contre la réforme des retraites le 19 janvier, la deuxième mobilisation rassemble encore beaucoup de monde. Entre 25 000 et 30 000 personnes étaient présentes à Nice selon les différents syndicats représentés dans le mouvement. La police, elle, a compté environ 7 000 personnes. Dans les rues niçoises, on pouvait voir beaucoup de jeunes. Les étudiants ou jeunes travailleurs qui s’étaient montrés assez discrets lors de la première marche, sont venus cette fois se faire entendre. Entre syndicats étudiants, classes entières ou petits groupes d’amis ; les jeunes étaient tous réunis pour la même raison : dire non au gouvernement. Au-delà de la proposition d’Elisabeth Borne, certains expliquent s’opposer à un système tout entier. Marie, une étudiante à SciencesPo Menton dénonce un gouvernement inégalitaire : “Je suis venue pour les retraites bien sûr, mais aussi pour dire non à ce système productiviste en général.

“Pour toi maman, je sèche l’école”

Les jeunes viennent d’abord pour soutenir leurs aînés. La retraite ne les concerne pas dans l’immédiat, mais c’est la solidarité qui les fait se déplacer. Pour qu’une mobilisation soit médiatisée, il faut qu’il y ait du monde. Même s’ils ont conscience que plusieurs réformes passeront certainement avant leurs retraites, ils pensent à leurs familles, aux générations plus âgées. Maxime explique que sa mère est une aide-soignante de 57 ans et qu’il s’est déplacé pour elle. “Ma mère ne peut pas travailler encore sept ans, elle est épuisée et je le sais”. La réforme touche plus durement les métiers pénibles, qualifiés par Franceinfo comme “les grands perdants” de cette nouvelle mesure sur les retraites. Les syndicats avaient réclamé le rétablissement des quatre critères de pénibilité qui avaient été supprimés lors de la réforme de 2018. Il existe aujourd’hui encore six critères qui permettent de considérer un travail comme « pénible ». Mais le « port de charges lourdes, la présence d’agents chimiques, les vibrations et les postures douloureuses » n’ont pas été évoqué lors du projet de cette nouvelle réforme, malgré la bataille de nombreux syndicats. Encore un argument qui souligne le déséquilibre de cette proposition. Les inégalités, c’est aussi ce que dénonce Marie qui érige fièrement sa pancarte “Pour toi maman je sèche l’école”. Issue d’une famille qu’elle qualifie elle-même de “bourgeoise”, elle explique que ce n’est pas vraiment pour ses parents qu’elle manifeste, mais simplement par solidarité. Le slogan “les vieux dans la galère, les jeunes dans la misère” illustre également cette idée. C’est un véritable rassemblement intergénérationnel uni contre une réforme qui brise la cohésion sociale. Gilles Raveaud, économiste et professeur d’université, dénonce lui aussi “l’agressivité sur le plan social” de cette réforme à travers un hors-série Charlie Hebdo nommé “Retraite le casse du siècle”.

“Je veux être vivant pour ma retraite”

Parmi toutes les pancartes et les slogans ; “je veux être vivant(e) pour ma retraite” reste en tête. C’est une inquiétude partagée par les Français. La peur de ne jamais toucher la retraite se concrétise par cette réforme. Le report de 62 à 64 ans comme âge légal de départ à la retraite est l’un des points les plus commentés du projet sur la réforme des retraites du gouvernement. Alors si les jeunes se soucient pour leurs ainées, ils s’inquiètent aussi pour eux. Derrière les drapeaux de la CGT, un groupe de lycéens reprend en chœur la chanson d’Henri Salvador “Le travail c’est la santé”. Le chanteur de variété disait en 1965 “Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver”. Salomé explique en rigolant qu’elle ne prend pas au sérieux cette chanson, même si elle arrive à y donner du sens. “Au final j’ai l’impression qu’on va tous cotiser pour ne jamais en profiter de notre retraite (…) dans ce cas, autant ne pas travailler !”.

“Doctorant, la retraite c’est pas avant 67 ans”

Une enquête de l’Insee sur le niveau d’éducation de la population révèle que “le niveau de diplôme de la population résidant en France augmente au fil des générations”. Cette étude précise également que “la différence entre les générations est particulièrement marquée pour les diplômés du supérieur long : 33 % des personnes âgées de 25 à 34 ans ont un niveau de diplôme supérieur à bac + 2, contre 13 % de celles entre 55 et 64 ans”. Cette augmentation du nombre d’années d’études s’explique par l’accroissement du niveau de qualification des emplois, mais aussi par un souhait du gouvernement de valoriser les longs parcours scolaires.  Pourtant, le projet de réforme des retraites annoncé officiellement le 10 janvier 2023 pénalise clairement les longues études. Plus un individu accumulera des années d’études, plus il verra l’âge de sa retraite repoussée. Un groupe d’étudiants, doctorants et chercheurs de l’Université de Nice se sont rassemblés pour exprimer leurs revendications. Ils s’indignent de voir une réforme qui les oublient totalement. Lila explique sa situation : “Moi je suis directement concernée. J’ai un statut précaire, je sais que je ne vais pas avoir de poste fixe directement après mon doctorat et j’aurais des périodes de chômage entre deux contrats ; donc forcément je vais partir à la retraite plus tard”. Pour des raisons parfois différentes, mais toujours avec le même objectif, les étudiants sont sortis manifester et continueront le mardi 7 et samedi 11 février.

Lucie Verdier