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Masculinisme : les moins de 34 ans sont loin d’être épargnés
Dans son 5e rapport sur l’état du sexisme en France, le Haut Conseil à l’Egalité alerte d’une augmentation des comportements et idéologies sexistes chez les jeunes hommes. Un phénomène dont les réseaux sociaux, la pornographie ou encore le féminisme semblent être les principaux responsables.
Des jeunes hommes de moins de 34 ans imprégnés de « clichés masculinistes », à la reconquête de la « masculinité hégémonique ». Voilà le bilan que dresse le rapport sur l’état du sexisme en France, publié fin janvier par le Haut Conseil à l’Egalité. Le texte basé sur les chiffres du baromètre du sexisme de l’institut ViaVoice révèle l’implantation de comportements sexistes associés à un désir de regain de virilité chez la « génération Z » et les « millenials ». Parmi ces derniers : l’association des « exploits sexuels » à une « crédibilité masculine » ou encore une plus grande tolérance de l’image de la femme véhiculée par la pornographie. Un constat qui parait a priori étonnant puisqu’il concerne des générations qui ont grandi au contact du féminisme, notamment via les réseaux sociaux.

« Cinq ans après #MeToo, une partie de la nouvelle génération des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité, et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins » constate le Haut Conseil à l’Egalité. Pour Eléonore Béréni, psychologue et sexologue : « Ces jeunes se sentent menacés, alors ils réagissent ». Elle précise : « Les frustrations et mentalités de certains jeunes hommes aujourd’hui découlent de l’histoire. On assiste dans les années 1970, avec le Mouvement de libération des Femmes [mouvement féministe], a ce qui a pu être vu et vécu par certains hommes comme une castration par les militantes féministes. Ces hommes ont aujourd’hui des enfants, les actuels moins de 34 ans, qui inconsciemment ou consciemment cherchent à regagner une certaine « puissance » ou « grandeur » masculine. C’est un mécanisme de défense de leur virilité qui se matérialise par un rejet des idées féministes et une violence envers la femme».
« Les films pornographiques renforcent l’idée d’une suprématie masculine »
Le rapport du Haut Conseil de l’Egalité révèle que « seuls 48 % des hommes de 15 à 34 ans considèrent que l’image des femmes véhiculées par les contenus pornographiques est problématique ». « Dans le X, la femme elle se prend, elle se jette, elle se soumet et elle s’humilie » rappelle la sexologue. « Les films pornographiques renforcent l’idée d’une suprématie masculine ». Elle rappelle que les modèles de ces films influent sur les pratiques sexuelles et sociales de certains jeunes : « Réussir à se construire une image positive de la femme quand on commence à regarder du porno à dix ans, c’est difficile. À dix ans on n’est pas encore formaté alors ça créé des prédispositions à la masculinité abusive ».
D’après le rapport du Sénat sur la pornographie paru en 2022, environs 1,1 M d’adolescents de 15 à 18 ans et 1,2 M d’enfants de moins de 15 ans ont déjà consommé du contenu à caractère pornographique. Les conséquences : « Dans l’intimité, On voit une répression de plus en plus marquante et marquée de la femme. On compte de plus en plus d’hommes tournés vers la domination. Bon nombre de femmes se conforment aux attendus rustres de leurs partenaires ». Le baromètre de la violence annonce que chez les femmes de 18 à 24 ans, 22 % déclarent avoir subi un « acte sexuel imposé ».
Parce que les femmes sont aussi consommatrices de ce contenu, la vision de la masculinité qui s’en dégage les influence une seconde fois. « Les jeunes filles sont elles aussi influencées par les schémas du pornos écrits par et pour les hommes. Ces films leurs imposent de nouvelles exigences physiques et comportementales : elles veulent faire mince, faire grande, faire salope » déplore Eléonore Béréni.
Les réseaux sociaux aussi responsables
Si les réseaux sociaux sont connus pour porter les voix féministes, ils hébergent aussi des discours qui prônent la virilité. De multiples figures masculinistes s’expriment sur des comptes et des chaines TikTok, Instagram ou encore twitter. Leurs discours peuvent passer inaperçus sous couvert de coaching en séduction. Selon Luc Cousineau, chercheur en sociologie spécialisé en genre, qui s’est exprimé dans un article du Huffington post, « les valeurs véhiculées sont des stéréotypes masculins traditionnels. Ces comptes expliquent ce que c’est qu’être un vrai homme : être riche, être musclé… Tout en parlant du rôle de la femme dans la société, du fait que l’homme doit contrôler ce qu’elle dit et ce qu’elle fait ».
Pour les moins de 34 ans, et particulièrement pour les jeunes adolescents « en pleine construction et à la recherche de repères, ces figures servent de modèle. La construction à l’aide de tels modèles ne peut que mener à la reproduction de ces derniers et donc à la croyance d’une masculinité absolue » affirme la psycho-sexologue. Le 25 janvier, le youtubeur Mickaël Philétas qui se présentait comme « le virtuose de la séduction absolue » a été condamné par la cour d’assises de Versailles pour le meurtre de sa compagne en 2020. L’auteur de vidéos telles que « comment dézinguer une ex » convaincu que les femmes opéraient une « castration de leurs compagnons » est un des nombreux visages de ce retour vers la « masculinité hégémonique ».