février 27

Entre la Chine et les États-Unis, une guerre de plus en plus probable ?

Samedi 4 février, les États-Unis ont abattu un premier ballon d’observation chinois, ravivant les tensions entre les deux pays. Depuis le déplacement de Nancy Pelosi sur l’île de Taïwan en août 2022, dirigeants chinois et américains multiplient les provocations mutuelles. Le risque de guerre n’est plus écarté d’après un haut gradé de l’armée américaine.


Entre les deux puissances majeures, les tensions militaires et diplomatiques ne cessent de croître. Photo : VCHALUP – STOCK.ADOBE.COM

Le mois de février 2023 aurait pu marquer un tournant positif dans les relations sino-américaines. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken devait se rendre en Chine afin d’améliorer les rapports entre les deux principales puissances mondiales. Mais Pékin a envoyé un « ballon espion » au-dessus du Pentagone, abattu par un avion de chasse de l’armée américaine le 4 février, annulant la visite d’Anthony Blinken. Quelques heures plus tard, le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi a condamné la « réaction manifestement excessive et la violation sérieuse des normes internationales » des Américains, se réservant « le droit de répondre ».

L’inquiétude grandit dans les rangs américains quant à la probabilité d’une guerre entre la Chine et les États-Unis dans les années à venir. Pour l’amiral Charles Richard, l’un des plus hauts gradés de l’armée, « la guerre en Ukraine n’est qu’un échauffement à une guerre plus large. Il ne faudra pas longtemps avant que nous soyons mis à l’épreuve comme nous ne l’avons pas été depuis longtemps ». Cet affrontement pourrait arriver bien plus tôt que prévu si l’on en croit les propos du général Michael Minihan. Ce dernier alerte sur les risques élevés d’un conflit armé avec la Chine dès 2025 : « Les élections taïwanaises de 2024 donneront aux dirigeants chinois une raison pour agir » a-t-il déclaré.

La visite de Nancy Pelosi à Taïwan, ou la dégradation des relations sino-américaines

Cet accroissement des tensions entre américains et chinois remonte à la visite de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants, le 2 août 2022 à Taïwan. L’objectif de cette visite était d’afficher « l’engagement indéfectible des États-Unis auprès de Taïwan », territoire que revendique la Chine. Ce déplacement – pas officiellement revendiqué par la Maison Blanche – a provoqué une réaction immédiate des autorités chinoises. Pékin a alors multiplié les incursions dans la zone militaire taïwanaise pour réaliser des exercices de grande ampleur. D’après le ministère taïwanais de la Défense, la Chine a déployé 1 727 avions militaires dans la zone d’identification et de défense aérienne de Taïwan en 2022, dont la majorité a été envoyée après la visite de Nancy Pelosi. C’est presque deux fois plus qu’en 2021 (960) et quatre fois plus qu’en 2020 (380).

Parmi les autres conséquences de cette visite, une « suspension des discussions en matière de changement climatique » entre la Chine et les États-Unis, qui étaient pourtant parvenus à un accord lors de la Cop 26 à Glasgow. Près de 200 entreprises taïwanaises ne peuvent plus vendre leurs produits en Chine et les risques de cyberattaques se multiplient. Pour Emmanuel Véron, docteur en géographie et spécialiste de la Chine contemporaine, les autorités chinoises pourraient lancer de nombreuses « cyberattaques à l’encontre d’entreprises ou de personnalités politiques américaines afin de flatter le nationalisme chinois ». Un ensemble de mesures qui encouragerait la Chine à « attaquer l’île dès 2023 » avait déclaré le directeur général du Bureau de la sécurité nationale de Taïwan lors d’un discours le 20 octobre 2022.

La Chine et les États-Unis tombés dans le piège de Thucydide

La guerre entre la Chine et les États-Unis serait inévitable si l’on se fie à l’ouvrage Vers la guerre de Graham Allison. Professeur à Harvard, il a élaboré la théorie du piège de Thucydide. Selon lui, en se référant à la guerre du Péloponnèse, la puissance dominante (les États-Unis) est amenée à entrer en guerre avec la puissance émergente (la Chine) car elle souhaite conserver son hégémonie. Graham Allison a recensé 16 situations similaires au cours de l’Histoire : à 12 reprises, les deux puissances belligérantes sont entrées dans un conflit armé.

Il existe cependant une raison de croire à un apaisement des tensions, ou tout du moins à un affrontement seulement verbal entre la Chine et les États-Unis : le gouffre qui sépare les deux pays sur le plan militaire. L’armée populaire de libération chinoise compte dans ses rangs plus de soldats que l’armée américaine (2 millions contre 1,35 million en 2019). Mais sur le terrain, les Américains sont plus efficaces : avec 6 333 chars à disposition, les États-Unis possèdent le plus grand arsenal de blindés au monde. De son côté, la Chine en possède environ 5 800.

Dans les airs, la comparaison est encore plus révélatrice de l’écart entre les deux armées. L’US Army peut compter sur près de 13 000 avions de combat, soit environ cinq fois plus que les 2 500 avions chinois. Enfin, si l’on s’intéresse aux stocks nucléaires, l’armée américaine compterait 5 800 têtes nucléaires, contre seulement 200 pour l’armée chinoise. Ces données récoltées sur Asialyst illustrent bien l’écart de moyens entre américains et chinois. Une guerre est bien probable entre la Chine et les États-Unis mais la domination militaire de l’armée américaine laisse peut-être à l’humanité quelques années de répit supplémentaires.

Romain Henry