mars 04

Une enquête de la BBC dénonce le mécanisme des lives TikTok 

Une récente enquête de la rédaction britannique a démontré que le réseau social serait derrière tout un écosystème exploitant la mendicité des familles de réfugiés syriens. 

Ces derniers mois, vous avez sûrement vu votre fil d’actualité Tiktok se transformer, laissant de plus en plus place à des directs plus ou moins embarrassants de familles de réfugiés syriens. Ces familles situées dans le Nord-Ouest de la Syrie implorent pendant des heures des dons d’argent sous forme de « cadeaux lives » en répétant continuellement « send me gift » ou encore « Help me ». Ces donations peuvent aller de 49 centimes pour le cadeau le moins coûteux à 750 euros pour le plus onéreux. La BBC a décidé d’enquêter sur ce phénomène. 

Une exploitation de la souffrance organisée par des agences affiliées à TikTok 

Un journaliste syrien de la BBC s’est rendu dans ces camps en se faisant passer pour un réfugié. Rapidement, il a été approché par des « intermédiaires tiktok » qui lui ont fourni un accès immédiat à un compte, des équipements et une connexion pour passer en direct sur l’application. Ces mêmes intermédiaires, appelés « middlemen » lui ont par la suite prescrit et dicté une façon de faire. A l’issue du tiktok qui aurait duré 1 heure, les middlemen ont récupéré l’ensemble du matériel (téléphone, tripier…) et une grande partie de la somme finale. Sur 106 dollars récoltés, le journaliste n’a reçu que 33 dollars. 

Familles syriennes demandant des cadeaux sur des livestreams TikTok  

Localisés dans les quatre coins du monde, ces middlemen appartiennent en réalité à des agences chinoises en partenariat avec Tiktok connues sous le nom de « guildes de diffusion en direct ». Elles seraient rémunérées par la plateforme pour recruter des livestreams et encourager les utilisateurs à maximiser leur temps sur l’application. Hamid, un middleman, a déclaré que son agence lui aurait même recommandé « l’utilisation de cartes SIM britanniques pour cibler majoritairement les donateurs du Royaume Uni, considérés comme étant plus généreux »

Au total, ce serait selon la BBC en moyenne 30 % des recettes récupérées par ces agences de middleman. 70% récoltés par le réseau social alors qu’il est autorisé à n’en garder que 50% et seulement 17% pour les familles de réfugiés. 

Une monnaie virtuelle en augmentation de 66% 

Tiktok sait que ses diffusions en direct génèrent une forte demande et une forte utilisation de ces cadeaux virtuels. En l’espace de 3 ans, la plateforme a plus que doublé le montant de ces « cadeaux virtuels ». Pour éclairer ces données : auparavant, 10 000 pièces valaient 109 euros, aujourd’hui elles valent 181 euros, soit une augmentation de 66% en 3 ans. Ce système de rémunération a d’ailleurs fait de l’application mobile chinoise la première plateforme sur laquelle les internautes dépensaient le plus d’argent sur l’année 2022. Un record habituellement réservé aux jeux mobiles.   

@Nafida Abdillah

Une absence de réglementation 

Selon l’ONG Acces Now qui milite pour le droit à l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le monde, Tiktok ne respecte même pas ses propres normes en matière de lives. Outre son laxisme à l’égard du contrôle de l’âge, les directs ne doivent pas se faire au prix de la mise en danger ou de l’exploitation de mineurs. Ils ne doivent également pas faire l’objet d’une demande ouverte de dons. Par ailleurs, la BBC a aussi tenté de signaler ces lives tiktok pour violation de la politique de la plateforme, mais ces derniers n’auraient pas été bannis. Selon les modérateurs, ils ne violeraient pas ces réglementations. 

Suite à la publication de l’enquête, TikTok a pris la parole dans un communiqué en affirmant être profondément préoccupé par les informations et les allégations qui ont été rapportées par la BBC. « Nous prendrons des mesures promptes et rigoureuses. Ce type de contenu n’est pas autorisé sur notre plateforme et nous nous employons à renforcer encore davantage nos politiques mondiales en matière d’exploitation de la mendicité. » Dans la foulée, l’application a également supprimé une trentaine de comptes liés à ces activités. Mais en réalité, une simple recherche avec le hashtag Syria démontre l’existence persistante de plusieurs de ces comptes enrichissant la plateforme. 

Nafida Abdillah