mars 07

Des déchets niçois sont envoyés illégalement dans une décharge espagnole

Dimanche 5 février, le magazine d’enquête Capital a révélé un transport illégal des déchets de Nice, vers une décharge à ciel ouvert en Espagne. Un scandale qui menace la métropole niçoise. 

La décharge à ciel ouvert de Saragosse en Espagne, où un camion Enso a déversé sa cargaison. Photo / @Nice Matin

Dans son reportage “Emballages, déchets, le vrai prix du grand gâchis”, M6 diffuse des images chocs montrant des camions vider leur cargaison dans une décharge à ciel ouvert de la province ibérique. Parmi ces déchets, ceux provenant des poubelles de Nice. Plus de 800 000 tonnes de déchets provenant de toute l’Europe, sont déversés chaque année dans ce dépôt.

Des déchets traités par l’entreprise Enso

Les journalistes d’enquêtes avaient des doutes sur la façon dont étaient recyclés ces déchets. Des balises GPS ont alors été placées sur certains objets déposés dans les déchetteries de Nice. Sans surprise, ils ont découvert qu’ils étaient déchargés illégalement, à Saragosse.

Des vêtements, appareils ménagers, emballages alimentaires, ont donc parcourut plus de 1000 kilomètres entre Nice et la ville espagnole pour être déposés dans cette décharge. C’est un désastre environnemental pour les associations écologistes. Lors de son trajet, le camion a émis plus d’une tonne et demie de CO2. Mais les caméras de M6 ont réussi à filmer seulement un camion. La métropole niçoise soupçonne qu’une dizaine d’autres conteneurs aient été déversés sur le site.

La société Enso, chargée du traitement des déchets niçois, est directement mise en cause dans ce reportage. Elle est accusée d’avoir violé un contrat la liant avec la ville de Nice en acheminant une partie des déchets en Espagne afin de réaliser des économies. En mai 2021, elle avait signé un contrat avec la ville afin de prendre en charge 27 000 tonnes de déchets par an, dans l’obligation de les valoriser à 65 %, d’après le directeur général des services de la Ville, Olivier Breuilly.

Un trafic de déchets illégal

Grâce aux images, nous découvrons un camion sortir de la déchetterie de Contes et parcourir plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à Saragosse, alors que le ministère de l’Environnement interdit formellement le transfert des déchets au-delà des frontières. Cette démarche est donc totalement illégale.

Olivier Breuilly déclare que ces actions sont “non seulement illégales, mais contraires à l’intégralité de leur marché public et il en tirera toutes les conséquences. D’ores et déjà, ils ont demandé au prestataire de s’expliquer sur ce qu’ils ont vu grâce aux journalistes de “Capital”.

Le président d’Enso, Jérôme Kester a réagi et affirme avoir arrêté de collaborer avec le sous-traitant espagnol depuis le 22 décembre dernier. Cette situation est “un acte isolé” selon lui. La déchetterie était saturée et le camion a dû être dérouté en Espagne.

Un business pas aussi vert qu’il en a l’air

Enso avait obtenu ce contrat pour 33 millions d’euros et devait traiter environ 180 000 tonnes de déchets sur 5 ans, soit 220 euros la tonne. Mais en envoyant les déchets dans le nord-est de l’Espagne, la société Enso fait des économies. La dépose d’une tonne de déchets dans cette décharge ibérique coûte entre 28 et 49 euros, soit près de cinq fois moins que le prix payé par la ville de Nice..

Pourtant, l’entreprise Enso se revendique comme “une solution pour l’environnement” si l’on en croit son site internet. Avec un logo vert mis en avant, elle dit même être “un maillage de proximité sur l’ensemble de la région”. 

“Une affaire scandaleuse d’une entreprise qui a trahi la collectivité”

Christian Estrosi s’est très vite emparé de l’affaire. Il a annoncé avoir saisi le préfet des Alpes-Maritimes et le procureur de la République des Alpes-Maritimes. Le maire de la ville et président de la métropole Nice Côte d’Azur est sous le choc de ce qu’il a découvert dans ce reportage. “Lorsque nous avons été prévenus de la diffusion du reportage… nous avons diligenté immédiatement une enquête interne. J’ai saisi les autorités sur les faits possibles d’infractions sur le transport frontalier des déchets.”, a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse. “Une affaire scandaleuse d’une entreprise qui a trahi la collectivité” selon lui. La ville de Nice indique que des sanctions financières pourront être prises ou encore la résiliation du contrat avec la société.

Une demande d’enquête administrative a été formulée auprès du maire de Nice, du président de la région PACA et des services de l’Etat pour atteinte au code de l’environnement et au droit européen. Les associations écologistes réclament elles aussi l’ouverture d’une enquête. “Cette affaire semble être une atteinte profonde au code de l’environnement, ainsi qu’au droit européen” signalent-ils. Christian Estrosi assure qu’il ne fera preuve d’aucune faiblesse devant cette affaire “Nous irons jusqu’au bout”.

Faustine Bassac