
Politique : des personnalités plus jeunes pour attirer la nouvelle génération
À l’heure où les 18-30 ans désertent les bureaux de vote, les partis politiques mettent en place des stratégies pour les attirer et obtenir de nouveaux électeurs. La jeune génération se dit plus séduite par de jeunes politiciens, et de la création de “groupes de jeunesse”.

40 %, c’est le taux d’abstention chez les moins de 34 ans lors des dernières élections présidentielles. Selon une enquête de l’institut de sondage IPSOS publiée au lendemain du scrutin, les jeunes votent largement moins bien que leurs aînés. Le constat est d’autant plus alarmant pour les dernières élections législatives qui détiennent un taux d’abstention estimé à 71 % chez les 18-24 ans et 65 % chez les 25-34 ans selon le Ministère de l’Intérieur. Un affaissement généralisé qui amène à s’interroger sur leur intégration et leur rapport à la vie politique institutionnelle. Est-ce que les jeunes se sentent intégrés dans la vie politique française ? Comment favoriser leur engagement politique ?
Ces questions, les leaders politiques de la gauche radicale et d’extrême droite les ont très vite saisies. On pouvait donc apercevoir lors des dernières élections présidentielles et législatives de nouveaux visages intégrer les rangs des partis politiques. Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, sur les 577 députés, 150 ont moins de 40 ans, une première. Tematai Le Gayic, NUPES (21 ans) est le plus jeune député de la Ve République, suivi de Louis Boyard (22 ans) pour la France Insoumise. On peut citer aussi Pierrick Berteloot du RN (24 ans) ou encore Charles Rodwell, membre d’ENSEMBLE (25 ans).


Cependant, une forte disparité, au sein même et entre les différentes coalitions, reste à notifier. L’âge moyen des républicains et des membres de l’UDI est de 51,2 ans contre 45,9 ans pour les élus de la Nouvelle union populaire et écologique et sociale (NUPES). Si certains comme Raphaël, étudiant en architecture, pensent que “l’âge, le sexe, la religion ou autre n’a aucune importance dans les décisions politiques”, d’autres comme Fatou, 22 ans, restent persuadés “qu’il est primordial d’avoir un portrait complet de la société française sur les bancs de l’Assemblée nationale”.
“On se sent beaucoup moins jugés dans ces groupes”
En-dehors des bancs de l’Assemblée, des dizaines de mouvements de jeunesse ont pris forme depuis quelques années : Les Jeunes Avec Macron (2015), Génération Zemmour (2021), entre autres. Ces groupes partisans s’inscrivent dans la même orientation que les partis qui les ont créés, mais sont réservés à la jeune génération, généralement au-dessous de 30 ans. Ces jeunes préfèrent se rapprocher des organisations de jeunesse, plutôt que du parti en lui-même, car elle se sent plus concernée et écoutée
Pour Clémentine, 18 ans, étudiante en droit à Lyon: “ces groupes sont une très bonne chose, on se sent beaucoup moins jugé, je trouve”. Inès, 19 ans, étudiante en psychologie à Nîmes partage ce point de vue. “J’ai du mal à me sentir intégré dans les partis politiques en général, j’ai l’impression qu’ils ne s’intéressent pas à nous [les jeunes]. Ces groupes nous encouragent plus à participer à la vie politique”.
En créant ces groupes, les partis redorent leurs images, donnant l’impression de se préoccuper des revendications des jeunes. “C’est vrai qu’on a l’impression d’être mieux représentés, mais après, ce n’est pas vraiment le cas dans les programmes” ajoute Inès. Les politiques veulent essayer de renouer avec la jeunesse, qui constitue une grande partie de l’électorat, et établir de véritables relations de confiance avec eux. Lors des élections présidentielles de 2022, 31 % de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon était des jeunes entre 18 et 24 ans, et 34 % avaient entre 25 et 34 ans. Avec des organisations de jeunesses solides, les candidats aux présidentielles peuvent augmenter leurs votes.
Des politiques préoccupés par les revendications de la jeunesse
Les partis politiques forment de véritables leaders à la tête de leurs organisations de jeunesse, chargés de véhiculer les valeurs du parti, organiser des événements pour annoncer les propositions politiques et mettre en place des manifestations.
Stanislas Rigault, 22 ans, est le leader de Génération Zemmour. Il a participé à plusieurs émissions télévisées pour permettre au groupe de se faire connaître. On peut aussi citer Jordan Bardella, président du Rassemblement National. Souvent qualifié de “jeune espoir” pour la nouvelle génération, à 26 ans, il a su rallier de nombreux jeunes à ses côtés. Notamment grâce aux réseaux sociaux, où il parle de thèmes qui les touchent, tels que la précarité, ou encore l’emploi. Louis Boyard, député de La France Insoumise, est également une nouvelle figure politique pour la jeunesse. Élu à 21 ans, il est un des plus jeunes députés à l’Assemblée nationale. À travers les réseaux sociaux, c’est un véritable porte-parole pour les jeunes. Il participe à des manifestations devant des lycées ou encore dans des universités, comme à Rennes. Il s’est surtout fait connaître par son syndicalisme lycéen en luttant contre la réforme du bac et Parcoursup.
Les réseaux sociaux : à la conquête des jeunes
À l’ère du numérique, l’émergence des nouvelles technologies a changé le rapport des hommes politiques à leur électorat. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont une plateforme permettant de gagner en visibilité, pour des partis qui en ont très peu. Être actif sur les médias sociaux est devenu un nouvel impératif pour les politiciens. L’objectif est de construire une véritable proximité auprès des jeunes et de donner aux personnalités politiques une image plus moderne. Que ce soit à l’aide d’Instagram, de Facebook ou de TikTok, les politiciens français sont à la quête de jeunes électeurs.
L’actualité a mis en avant des questions adressées à la jeunesse, en particulier sur la précarité étudiante. Une loi pour l’instauration du repas à 1 euro pour tous les étudiants a été proposée. Celle-ci fut refusée par l’Assemblée nationale à 183 voix “pour” et 184 “contre”. Une proposition de loi fortement soutenue par les jeunes députés, dont Louis Boyard. Il a publié sur Twitter la liste des députés qui ont voté “contre” la mise en place du repas à 1 euro pour tous les étudiants. Une initiative qui a fortement fait parler sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, également, le député multiplie les prises de paroles et vidéos pour défendre ce projet. Avec des vidéos tendances aux textes accrocheurs, il sait séduire les jeunes et les attirer. Au vu des commentaires sous ses vidéos, beaucoup de jeunes le soutiennent, “Il est fort”, “Bravo à lui”, “Je l’adore”.

Plus on est jeune, mieux on communique
Les jeunes élus modernisent la communication en politique. Benjamin George, conseiller municipal délégué à la communication et aux nouvelles technologies à Cour-Cheverny dans le Loir-et-Cher, en est l’un des exemples. Élu en 2020, à l’âge de 18 ans, il confie avoir “tout changé” avec son équipe dans la communication de la commune. “ On a mis en place un nouveau site internet et une page facebook pour toucher une plus grande partie de la population. On a également rejoint l’application Panneaupocket, qui permet d’alerter les habitants sur les chantiers en cours, ou encore les horaires des bus qui desservent la commune”.
Les plus jeunes perçoivent la communication de leur mairie par le biais des réseaux sociaux. C’est ce qui a incité la mairie d’Auribeau-sur-Siagne, dans les Alpes-Maritimes, a créé sa propre application, comme nous le raconte l’un des adjoints à la mairie Florent Rossi, âgé de 21 ans. “Cette application permet aux gens de nous contacter en un clic, de nous signaler les problèmes en direct. C’est une application très utilisée : aujourd’hui, on est à 1000 téléchargements pour une commune de 3 000 habitants, avec 47 000 visites en 2022”.
Pour partager leurs idées, mais aussi leurs savoir-faire dans les nouveaux moyens de communication, 240 élus de moins de 35 ans, et venant de toute la France, se sont réunis, peu importe leur bord politique, au sein de l’AJEF (association des jeunes élus de France).
Florent Rossi en est le président. Elle possède selon lui un double objectif : « rapprocher les jeunes élus entre eux, quelles que soient leurs opinions politiques, mais aussi susciter un intérêt de s’engager chez les jeunes, leur prouver que même à 20 ans, on peut agir ”.
“Nous sommes plus exposés aux menaces, parfois jusqu’à des appels aux viols”
La communication est primordiale chez les élus, comme l’assure la députée de la 3e circonscription du Rhône Marie-Charlotte Garin : “si on veut recréer de la confiance auprès des jeunes, il faut répondre présent dans cet exercice de transparence et d’accessibilité, et cela passe par une activité importante sur les réseaux sociaux”. Elle assure qu’il est primordial de soigner son profil afin que les électeurs, les plus jeunes en particulier, puissent s’y reconnaître. “J’ai essayé de garder la main sur mon compte Instagram notamment, pour essayer de toucher les jeunes, dans le but qu’ils puissent identifier mon profil comme celui d’une jeune députée écologiste “.
Avec une communication massive, le revers de la médaille pour les jeunes élus, c’est d’être plus en proie aux critiques, voire aux menaces. Les députées écologistes ont dévoilé le 20 février, sur le compte Instagram @balance ton intimidation, les menaces qu’elles subissent, ce qu’elles nomment “le côté obscur de la démocratie”. Marie-Charlotte Garin consent que “sur les réseaux sociaux, les femmes politiques, et notamment de gauche, sont particulièrement exposées aux critiques”. Elle poursuit : “ c’est le jeu, mais ce n’est pas à moi de me taire. Oui, on est plus exposé aux critiques, aux menaces même, qui vont parfois jusqu’à des appels aux viols. Mais moi, j’estime que c’est comme dans la rue, ce n’est pas à moi de changer de trottoir s’il y a un agresseur“. Même si les jeunes sont souvent critiqués pour leurs prises de positions, ces menaces ne les découragent pas à prendre part au paysage politique.
Théo Boissonneau, Lili-Jeanne Bluteau, Nafida Abdillah, Chloé Bach Chaouch, Faustine Bassac