Captures de dauphins : Sea Shepherd face à l’État français


L’ONG de protection des écosystèmes marins porte plainte contre X et dénonce le manque d’actions de l’État. Ces déclarations font suite aux récentes captures et à la maltraitance subies par les dauphins, constatées au large de la côte Atlantique française.

Les bateaux de Sea Shepherd surveillent les zones de pêches depuis fin janvier, à la recherche de captures de dauphins (Sea Shepherd)

D’après Sea Shepherd, près de 370 cadavres de dauphins ont échoués sur la façade Atlantique, de décembre 2022 à la fin janvier 2023. Cette constatation a mené l’ONG à porter plainte contre X. Pour elle, les responsables sont les pêcheurs, bien que les captures soient rarement volontaires : les dauphins se retrouvent piégés dans des filets qui ne leur sont pas destinés, et, incapables de remonter à la surface pour respirer, meurent d’asphyxie. Face à cette problématique récurrente, Sea Shepherd demande à l’État d’agir. Elle a fait parvenir une lettre ouverte à Emmanuel Macron, mais le gouvernement refuse l’application des mesures proposées par l’ONG.

La mesure la plus efficace serait la « fermeture spatio-temporelle aux engins de pêches non-sélectifs ». Cela consisterait à empêcher l’accès aux zones de pêche à risque pendant quatre mois chaque année, durant la période de migration des dauphins. Les seuls pêcheurs concernés seraient ceux utilisant des engins de pêches non adaptés à la sélectivité, dont les filets sont conçus pour attraper toute espèce s’y retrouvant bloquée.

Sea Shepherd accuse l’État de se cantonner à une vision économique du problème. Ce genre de vision ferait écho à celle d’Agathe Chambonneau, chargée de mission pêche et environnement au Comité National Des Pêches Maritimes et des Élevages Marins (CNPMEM). À ses yeux « cela ne ferait que déplacer le problème et conduirait à une interdiction de pêche (…), ce qui serait désastreux pour la filière ! ». Elle recommande une meilleure étude et une réelle compréhension du comportement des dauphins, afin de favoriser une « cohabitation entre les acteurs économiques et la biodiversité ». Pour elle, cela permettrait d’éviter le plus possible les captures accidentelles.

« Chaque année c’est un véritable carnage, une honte pour notre pays »

Sur son site internet, Sea Shepherd s’insurge, et continue de demander au gouvernement d’agir. D’ici là, elle affirme qu’elle restera en mer, à tenir le rôle d’un chien de garde maritime. Son objectif est de documenter les captures jusqu’à la fin de la saison hivernale, mais aussi de sensibiliser pour obtenir le soutien de l’opinion publique. L’ONG espère que ce soutien fera pencher la balance dans les décisions du gouvernement.

« Nos équipes seront de retour sur les zones de captures des dauphins dès la fin janvier pour continuer à alerter l’opinion publique et à exiger de l’État qu’il soit enfin à la hauteur de ses responsabilités. (…) Chaque année c’est un véritable carnage, une honte pour notre pays ! » écrit la Présidente de Sea Shepherd, Lamya Essemlali. L’alerte lancée par l’ONG commence par le partage de clichés des dauphins, pendant ou après les captures. Les photos parlent d’elles-mêmes, montrant les animaux marins pris dans les filets, en décomposition sur les plages et mutilés de toutes parts.

Des captures non punissables mais pas assumées pour autant

Au-delà de la capture, c’est le traitement de l’animal par les pêcheurs qui indigne l’ONG, et qui l’a poussée à porter plainte contre X. Beaucoup de dauphins sont mutilés et éviscérés, soit pour les faire couler plus facilement, et cacher leur capture aux autorités, soit parce qu’ils ont été consommés. Lorsque les dauphins ne coulent pas, leur corps se retrouve sur les plages, aux yeux de tous. Les quelque 370 cadavres échoués ces deux derniers mois ne seraient donc qu’une infime partie du « carnage ». D’après les scientifiques, trois quarts des dauphins n’ayant pas survécu se trouveraient au fond de l’eau.

En cas de capture, les pêcheurs doivent obligatoirement en faire la déclaration, sans risque de sanction. L’objectif de cette mesure est uniquement d’étudier l’impact de l’activité des pêcheurs sur la faune marine. Depuis début décembre 2022, seule une trentaine de déclarations ont été reçues, contre les centaines de dauphins retrouvés morts.

L’État français devant les tribunaux

Sea Shepherd s’agace du temps que prennent les mesures judiciaires : « L’État français a pourtant été mis en demeure par la Commission Européenne et nous avons obtenu sa condamnation devant le Tribunal Administratif pour le non-respect de ses obligations réglementaires à protéger les dauphins. Mais rien ne change en termes de captures. Toutes les mesures annoncées pour attester d’un prétendu effort gouvernemental ne sont que des moyens de gagner du temps, au détriment des dauphins » déplore l’ONG sur son site web.

La condamnation de l’État remonte à 2020. Le tribunal avait déclaré avoir « relevé que si la France a mis en place une législation destinée à protéger les cétacés, en particulier le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin, l’état de conservation de ces espèces est toujours insuffisant dans la zone Atlantique. » À cette époque, c’était déjà l’échouage de dauphins, sur la côte Atlantique, qui avait conduit l’ONG à recourir à la justice.

Pour Sea Shepherd, le nombre de cétacés retrouvés morts depuis le début de l’hiver aurait dû suffire à alerter le gouvernement. D’après Lamya Essemlali, « Cette année est vraiment l’année de trop, l’État aurait dû mettre en place les mesures d’urgence qui sont demandées par les scientifiques et les ONG depuis plusieurs années. Des compensations financières pour les pêcheurs existent. La perte de biodiversité, elle, ne pourra jamais être compensée ».

Audrey De Quina