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« On a du mal à comprendre » : les craintes des lycéens devant la « jungle » Parcoursup
Depuis six ans, lycéens et lycéennes choisissent leurs études supérieures sur Parcoursup. Et chaque année, les mêmes craintes reviennent.

Photo : Aurélien Dufour
La sonnerie de 16 heures vient de retentir. Sur le parvis du lycée Carnot à Cannes, jeudi 9 mars, des dizaines de lycéens se rassemblent, pas mécontent de sortir du bahut, même si un mot est dans toutes les têtes.. Parcoursup. « On doit vraiment se débrouiller tout seul » souffle Romane, alors que la phase d’ajout de vœux se termine le soir même. Une phrase qui révèle les inquiétudes des lycéens et lycéennes, généraux, technos ou pros, devant Parcoursup, l’unique plateforme d’accès officielle à l’enseignement supérieur depuis 2017.
Plus de 21 000 formations sur Parcoursup
En lycée général, technologique ou professionnel, tous les élèves sont confrontés à Parcoursup. Angel fut l’un d’eux. Après avoir fait des petits boulots pendant un an, l’ancien élève en logistique au lycée professionnel Alfred Hutinel à Cannes ressent « l’envie de reprendre les cours » et souhaite se réorienter dans l’éducation. Mais il craint de revivre le même scénario – assez mystérieux – des deux dernières années. « L’an dernier, j’avais déjà tenté la réorientation, se souvient-il, mais j’ai eu un gros bug : tous mes vœux sont passés en abandon, du jour au lendemain.

Capture d’écran Twitter : Aurélien Dufour
négligeable face aux quelques 21 000 formations répertoriées sur la plateforme. Si, grâce à un gain de maturité et d’expérience, Angel appréhende moins Parcoursup, il aimerait que les CV et lettres de motivation « soient vraiment lus par les différentes formations ».
Un souhait aussi exprimé par Coralie. Assise sur le rebord de la barrière clôturant le lycée Carnot, casque sur la nuque, elle n’est pourtant pas en classe de terminale ici. Mais plutôt au lycée technologique cannois des Fauvettes, en ST2S (Sciences et Technologies de la Santé et du Social). Plus tard, elle se voit éducatrice spécialisée. La découverte des formations a été « plutôt explicite » dans son cas, et sa liste est déjà faite : écoles et BUT offrant le DÉES (Diplôme d’État d’éducateur spécialisé) en Corse et dans le Var.

Photo : Aurélien Dufour
Elle pointe également du doigt les pourcentages d’admission selon les filières – générale, technologique ou professionnelle – qu’elle jugent trop mis en avant . « Quand tu vois qu’il y a plus de bacs généraux acceptés que de bacs technos, c’est assez flippant », appréhende Coralie. Sur certaines formations, notamment celles technologiques (BUT), des quotas d’élèves généraux et technologiques sont mis en place.
Un calendrier dense
Parcoursup, c’est une chose, encore faut-il ne pas oublier le bac. « C’est très compliqué d’en même temps réviser, faire Parcoursup et les devoirs donnés par les profs » avoue Coralie. Un avis partagé par Clémence, élève de terminale HGGSP (histoire-géographie, géopolitique, sciences politiques) et SES (sciences économiques et sociales) au lycée Carnot. « Le calendrier, c’est horrible ! Ce soir [le 9 mars, NDLR], c’est la fin de la recherche de vœux. Et dans deux semaines, c’est le bac ! » calcule-t-elle. Pour la première fois depuis leur instauration, les épreuves de spécialités se sont déroulées à la période initialement prévue, les 20, 21 et 22 mars. La pandémie de Covid-19 les avait annulées en 2021 puis reportées en 2022.
Clémence attend à la sortie sa copine Romane. Lorsqu’elle apprend que sa copine parle de Parcoursup, elle tient, elle aussi, à donner son avis sur la question. « On a moins de six mois pour tout faire. Plus les cours. Plus la vie qu’on a à côté », énumère-t-elle. Et de poursuivre : « il y a beaucoup de gens qui se sentent perdu vis-à-vis de Parcoursup ». Perdues, les deux amies l’ont été aussi. « On a eu du mal à comprendre » se souvient Clémence. « On est un peu lancé dans Parcoursup comme dans la jungle, sans repères » explique Romane.

Photo : Aurélien Dufour
Des profs aussi débordés ?
Les craintes des lycéens et lycéennes pourraient-elles se justifier par un manque d’explication et de soutien de la part des professeurs ? C’est en tout cas ce que pointent du doigt Clémence et Romane. « Les profs nous laissent nous démerder, même eux ils ne savent pas de quoi ils parlent » souffle la première. « Quand on leur pose des questions, ils sont aussi perdus que nous, répond la deuxième, il faut vraiment se débrouiller tout seul ». Les enseignants sont-ils aussi livides sur le sujet que le suggèrent les deux élèves ?
Ce n’est pas l’avis de Maëva, elle aussi en terminale SES et SVT (science de la vie de la Terre) à Carnot. Elle qui aimerait aller dans une école d’infirmière l’année prochaine retient les différentes initiatives du lycée pour la rassurer et l’aider à faire son choix. « On a eu la chance avec le lycée de faire un stage à l’école d’infirmière », se remémore-t-elle, souriante. Elle évoque ensuite les forums orientations organisés par l’établissement où des formations viennent expliquer leur fonctionnement. Mesdames Stumpf et Salah Abir, enseignantes de SES et professeures principales en classe de terminale à Carnot, listent d’autres initiatives pour rassurer les lycéens. Avec, en premier lieu, des « heures d’orientation » avec le prof principal, mais aussi des séances avec la documentaliste et, à l’attention de leurs parents, une conférence organisée par Joël Flouder, le proviseur.
Aidés ou non par leurs professeurs, lycéennes et lycéens ont jusqu’au 6 avril pour formuler leurs vœux. « Après, on enchaîne avec l’oral et la philo » poursuit Maëva. À trois mois de la fin d’année, la voie vers les études supérieures semble encore longue.
Aurélien Dufour