La BRAV-M : au cœur de plusieurs scandales

Les dernières manifestations contre la réforme des retraites et l’utilisation du 49.3 ont mené à de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Une brigade en particulier est pointée du doigt pour sa brutalité : la brigade de répression d’action violente motorisée (BRAV-M), une unité de police parisienne composée de binômes circulant à moto.

Paris, le 23 mars 2023. Des policiers de la Brav-M lors de la 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites. LP/Fred Dugit.

Mercredi 5 avril, la commission des lois de l’Assemblée nationale a choisi de classer sans suite la pétition réclamant la dissolution de la brigade de répression d’action violente motorisée (BRAV-M), pourtant signée par un nombre inédit de personnes. 264 000 signatures en faveur de la suppression de cette brigade ont été comptabilisées sur la plateforme dédiée aux pétitions créée par l’Assemblée nationale, soit le plus grand nombre de signatures enregistrées sur le site depuis sa création en 2020. Malgré la multiplication des débats sur la violence perpétrée par la BRAV-M, les huit membres de la commission des lois, composée en majorité par le parti présidentiel, la droite et l’extrême droite, n’ont pas jugé bon d’examiner la pétition devant l’Assemblée nationale. La raison de ce classement, avancée par le rapporteur du groupe Renaissance Éric Pouillat, est que : « le comportement fautif de quelques agents ne peut pas conduire à remettre en cause l’utilité des BRAV-M », selon les propos recueillis par la rédaction du Monde.

Un enregistrement accablant 

Aujourd’hui le « pays étouffe de témoignages d’exactions violentes et brutales commises par ces brigades motorisées […] » suivant les mots de la pétition déposée le 23 mars 2023, neuvième jour d’appel à la mobilisation de l’intersyndicale, soit une semaine après que le gouvernement a eu recours à l’article 49.3 sur le projet de réforme des retraites. À la suite de cette onzième utilisation de l’article par la Première ministre Elizabeth Borne, de nombreuses manifestations spontanées ont éclaté un peu partout en France. À Paris, la brigade motorisée a très vite été déployée et tout aussi rapidement, des témoignages dénonçant sa brutalité excessive ont afflué. Dans la nuit du lundi 20 mars, sept jeunes individus sont interpellés, puis menacés par les membres de la BRAV-M dans le camion dans lequel ils étaient retenus. L’un d’eux enregistre discrètement ces échanges qui révèlent la violence physique exercée contre les interpellés (supposées gifles et attouchements), les insultes à caractère raciste, misogyne, et homophobe, mais aussi des menaces d’atteinte à leur intégrité physique s’ils étaient amenés à les recroiser. L’enregistrement transmis à de nombreuses rédactions, toujours disponible en ligne, accable la brigade déjà connue pour son passé de brutalités policières.

L’affaire Malik Oussekine : première dissolution de la brigade motorisée

L’ancêtre de la BRAV-M est le peloton de voltigeurs motorisés (PVM) crée en 1968. Le peloton était, comme la BRAV-M aujourd’hui, composé de policiers motorisés dont la mission était de contenir les émeutes et de disperser les manifestants. Très vite, le PVM s’est retrouvé au cœur de plusieurs affaires de violences policières. L’évènement le plus marquant ayant mené à sa dissolution est l’homicide de Malik Oussekine, un étudiant franco-algérien de 22 ans battu à mort par des policiers lors d’une manifestation étudiante à Paris. Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, des étudiants manifestent contre la réforme universitaire proposée par le gouvernement Chirac. L’intervention des forces de l’ordre pour disperser la manifestation, conduit à des affrontements violents entre étudiants et policiers. Malik Oussekine qui n’était pas impliqué dans les affrontements, a été attaqué par deux policiers du peloton qui l’ont roué de coups de matraque. Il est décédé des suites de ses blessures le soir même à l’hôpital. Le récit de l’agression par un témoin, lui aussi blessé par ces mêmes policiers, diffusé dans les médias provoque un scandale national. Les associations de défense des droits de l’homme réclament la dissolution des voltigeurs, et le gouvernement finit par céder aux pressions.

Un enchaînement de scandales

Après la diffusion de l’enregistrement du 20 mars, deux des sept jeunes agressés portent plainte pour « violence en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique et complicité ». L’IGPN a pris en charge les deux enquêtes. La police des polices est loin d’être au bout des dossiers concernant cette brigade, de nouveaux scandales impliquant des membres de la BRAV-M ont éclaté cette semaine. Valentin, un étudiant de 19 ans, a révélé dans l’émission « Complément d’enquête » (diffusée jeudi dernier sur France 2), comment il s’est fait écraser la jambe, de façon délibérée, par une moto de la BRAV-M. Il manifestait pacifiquement, selon ses dires, le soir du 21 mars dans le quartier de Bastille à Paris, lorsque la brigade motorisée a pris en chasse la foule. Sur une vidéo prise par un témoin de l’incident, on peut très clairement distinguer la moto passant, puis repassant sur la jambe du jeune homme. Dans cette affaire, la police des polices a aussi été saisie. Malgré ces scandales répétés, la BRAV-M continue, et continuera d’exister comme le prouve le classement sans suite de la pétition à son encontre. Si la brigade est régulièrement mise en cause pour ses méthodes musclées et pour les violences qu’elle commet lors des interpellations, les sanctions à son égard sont souvent symboliques. À l’image de la condamnation des deux policiers dans l’affaire Oussekine qui ont été reconnus coupables, mais qui n’ont été condamnés respectivement qu’à cinq et deux ans de prisons avec sursis. Les deux policiers ont donc échappé à la prison alors même qu’ils étaient restés libres les trois années précédant le procès.

Dunvel Ramalingum