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Jeux olympiques : Les difficultés de l’athlétisme français
Investissement, formation, ambition, où en est l’athlétisme français à moins de 500 jours des JO de Paris ?
Les épreuves d’athlétisme se dérouleront du 1er au 11 août au Stade de France. Crédits : Paris2024.org
L’année 2023 sera la dernière année de préparation, mais aussi de qualification pour les Jeux olympiques de Paris. En ligne de mire, les championnats du monde d’athlétisme à Budapest cet été. Sport roi des Jeux olympiques, la France peine à briller en athlétisme. Avec des résultats décevants depuis plusieurs années et des critiques envers la fédération, la réussite de la délégation française au stade de France dans moins d’un an et demi semble incertaine.
En panne de médailles
Lors des derniers Jeux olympiques, à Tokyo en 2021, la France n’a ramené qu’une médaille d’argent des épreuves d’athlétisme, grâce à Kevin Mayer sur le décathlon. Il s’agit du plus faible score depuis l’an 2000. Un an plus tard, les championnats du monde à Eugene aux États-Unis, et d’Europe à Munich étaient une nouvelle occasion pour les athlètes de se confronter aux meilleurs mondiaux. Mais à Eugene, la France ne fait pas beaucoup mieux, en glanant à nouveau qu’une seule médaille, d’or cette fois-ci, et toujours par l’intermédiaire de Kevin Mayer. Il faut alors remonter à 1993 pour trouver un pire bilan. Un mois après cette désillusion, les Bleus ont achevé les championnats d’Europe à Munich sans médaille d’or continentale pour la première fois depuis quarante ans. Avec un total de neuf médailles dont quatre en argent et cinq en bronze, la France a été reléguée au 22e rang au classement des nations. Jamais la France n’avait figuré en dehors du top 20.
Une stratégie contraire à la performance
La contre-performance des championnats du monde peut s’expliquer par la liste resserrée d’athlètes sélectionnés. Seulement 28 sportifs ont été envoyés à Eugene, beaucoup moins que les 43 de Tokyo ou les 40 des mondiaux de Doha en 2019. Romain Barras, directeur de la haute performance à la Fédération Française d’Athlétisme, justifiait cette stratégie lors de ses prises de fonctions en janvier 2022 : « On ne va pas aux championnats du monde pour découvrir le haut niveau. Je veux que les athlètes sélectionnés pour Eugene soient capables de performer là-bas ». Pour répondre à cette logique de performance, la fédération française d’athlétisme (FFA), demande la réalisation de minimas (performance minimale pour participer à une compétition) plus exigeants que la World Athletics. Jimmy Gressier, 11ème du 10000m aux mondiaux, justifiait un manque de fraîcheur physique et mentale : « On a peut-être des minimas trop durs par rapport à ceux de World Athletics. Ce n’est pas une critique, c’est un constat. Aujourd’hui, malheureusement, on a des mecs et des filles qui restent à la maison, car ces minimas sont trop durs », déclarait le français au micro de France Télévisions. En effet, sur 44 épreuves, 19 minimas fixés par la Fédération étaient supérieurs à ceux de World Athletics. Un constat partagé par Kévin Borlée, un sprinteur belge, qui est intervenu au micro de Nelson Monfort sur France 2 en soutien du relais 4x400m français suite à leurs décevante 7ème place : « Si je peux me permettre, la Fédération française devrait donner plus de considération à ses athlètes. Elle devrait les laisser courir en individuel pour prendre de l’expérience et ensuite, ils feront de grands résultats en relais ». À l’approche des championnats du monde qui se tiendront du 19 au 27 août 2023 à Budapest, la fédération a décidé d’écouter les remarques et d’élargir la sélection française : « Pour Budapest, on va un peu ouvrir la sélection » , a annoncé Romain Barras, avant de préciser : « Il y avait 41 athlètes aux États-Unis (relais compris), on espère en avoir entre 50 et 60 en Hongrie ».
“Aujourd’hui ce que je touche grâce à mon sport, c’est zéro euro”
Ces derniers mois, plusieurs athlètes ont pointé un manque de soutien financier, et une incompréhension de la stratégie de la fédération à l’approche des JO de Paris. Méba Mickael Zézé est le deuxième performeur français de tous les temps sur 200m, suite à ses 19’’97 réalisés en 2022. En février 2023, il lance un appel à l’aide dans une interview pour le média Views : « Ça fait maintenant cinq ans que je toque à la porte de la fédération pour être aidé, mais il n’y a pas eu de retours positifs. Encore l’année dernière, j’ai demandé à entrer dans une structure sportive et on m’a refusé », déclare-t-il. Le sprinteur explique que sa carrière sportive ne lui suffit pas à vivre : « Aujourd’hui ce que je touche grâce à mon sport, c’est zéro euro. Je m’entraîne de 9 h à 14 h 30 et, après, je travaille comme community manager. Plusieurs athlètes sont dans ma situation. Notre sport est tellement peu médiatisé qu’on passe à côté de beaucoup de pépites ». La FFA justifie un manque de budget et la décision de débloquer une aide pour les athlètes ukrainiens en début d’année n’a pas été comprise par de nombreux athlètes français, comme Alexis Miellet, triple champion de France du 1500m, qui s’est exprimé sur son compte Twitter : « Beaucoup de sportifs français qui font les Jeux vivent avec le SMIC, d’autres travaillent. Ce ne sont pas des conditions optimales. Alors, quand on voit qu’il y a un million d’euros qui peut être débloqué pour nos concurrents, je ne comprends pas le principe ». Cette situation ne concerne malheureusement pas que l’athlétisme. Lors des JO de Rio en 2016, sur les 450 athlètes qualifiés, plus de la moitié vivaient avec moins de 500 euros par mois, souvent par l’intermédiaire d’un autre emploi en parallèle de leur carrière sportive.
Haron Leveau