avril 14

Le Tournoi des 6 Nations féminin 2023, l’année du déclic ?

Alors que la 28 ème édition du tournoi a commencé fin-mars, la compétition pourrait battre des records d’affluence en Europe. Et faire passer un cap supplémentaire au rugby féminin.

C’est le tournoi phare du rugby européen pour les sélections. Tous les ans le moment de vérité, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Depuis sa création en 1882, le tournoi masculin des 6 Nations est LE rendez-vous du rugby en Europe sur les mois de février et mars. Il a fallu attendre plus d’un siècle après, en 1996, pour que naisse la première édition du Tournoi des 6 Nations féminin. Sur la forme, comme pour leurs homologues masculins, le nombre d’équipes inscrites au tournoi a évolué. En 1996, seules les quatres nations anglo-saxonnes que sont l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Irlande et l’Ecosse participaient. Puis en 2000, le XV de France (nom donné à l’équipe de France de rugby) les a rejoint. En 2002, le tournoi des 5 Nations devient enfin celui des 6 Nations, l’Espagne, qui avait remplacé l’Irlande parmi les équipes concurrentes de 1999 à 2001 sort à son tour de la compétition en 2006, et est remplacée par l’Italie. Depuis ce jour, même format que pour les garçons, les mêmes équipes, 5 matchs à jouer, chaque équipe se rencontre une fois, et un classement final est établi. Si l’équité est rétablie sur la forme, sur le fond, de grandes disparités sont encore visibles. Et c’est ce que cherchent à combattre l’organisation du tournoi.

Trouver sa propre identité

Afin de développer le tournoi des 6 Nations féminin pour qu’il ne soit plus associée qu’à une simple déclinaison du tournoi masculin, l’organisation ( le Six Nations Limited, société qui organise les tournois jeunes, féminins et masculins) décidé de lui donner une nouvelle identité visuelle : en janvier 2017 un logo spécifique est dévoilé et entre en vigueur. Dans le cadre d’un partenariat entre Six Nations Rugby Limited et l’application mobile de réseautage social TikTok, un contrat de naming est mis en place pour la première fois pour la compétition féminine, et en 2022, un nouveau logo est dévoilé, avec le nom de la marque qui sponsorise l’événement. Sponsor personnel pour le tournoi, nouveau logo, mêmes équipes, et pourtant en France, la question de l’attribution des stades pose problème. Depuis 1998, l’équipe de France masculine de rugby à XV accueille les autres nations au Stade de France. Un stade de plus de 80 000 places qui affiche très souvent complet. Mais pour les filles, les matchs du tournoi se déroulent dans des petits stades annexes, comme lors de cette édition, où la France accueillera l’Ecosse à Vannes (11 000 places) puis le pays de Galles à Grenoble (20 000 places). Des choix de programmation discutables, certes le rugby féminin n’attire pas encore 80000 spectateurs, mais ce n’est pas en allouant seulement 11 000 places que le problème va se résoudre. Lorsque les joueuses du XV de France se rendront en Angleterre y affronter l’ennemi britannique, elles joueront dans le grand stade de Twickenham, 82 000 places.

Mais cette nouvelle édition est tout de même une grande avancée pour le rugby féminin en France. Cette année, tous les matchs de la France seront diffusés en clair sur les antennes de France 2, à l’instar de l’équipe masculine. Une grande avancée lié au bond dans les audiences du sport féminin, l’Euro féminin de football de l’an dernier et le Tour de France féminin 2022 étant de belles réussites en matière d’audience. Si la parité est loin d’être atteinte, les progrès sont immenses, et pourraient encore battre des records cette année dans le 6 Nations féminin, c’est en tout cas ce qu’annonce le journal Ouest-France, qui s’attend à un « un record d’affluence ». C’est en tout cas le cas au niveau des billets vendus, puisque le « choc » de cette édition 2023 va battre le record de places vendues pour un match international de rugby féminin. Le précédent record était détenu par le stade Eden Park, situé à Auckland (Nouvelle-Zélande). C’était à l’occasion de la finale de la Coupe du monde de rugby 2022 entre la Nouvelle-Zélande et l’Angleterre. 42579 spectateurs avaient assisté au sacre néo-zélandais. Alors que le match n’aura lieu que le 29 avril à Twickenham, la barre des 40 000 billets vendus a été dépassée. De quoi donner des idées au Stade de France l’an prochain ?

Car si le développement du rugby féminin paraît inférieur à celui d’Outre-manche, c’est au niveau du développement du rugby féminin dans les clubs qu’il faut agir, partir d’en bas.

Des progrès à faire à l’échelle des clubs

En 2017, le rugby féminin comptait plus de 17 000 licenciées. Cela ne représentait que 5% des licenciés de la Fédération Française de Rugby. La professionnalisation du rugby féminin tend également à de meilleurs résultats. Depuis 2018, les joueuses de l’équipe de France sont contractualisées. Les meilleures joueuses ont donc le statut semi-professionnel, mais pour les autres, impossible de jouer au rugby sans avoir un emploi à côté. La 1 ère division du championnat de rugby féminin en France est encore trop inégale au point de vue sportif, et « difficile à vendre » selon Laurent Vitoux, président du club de rugby de Lille. Un remodelage de la formule serait alors plus attractif et attirerait peut-être plus de chaînes. La fédération, elle, a fixé pour 2025 l’objectif de 30 000 licenciées pour le rugby féminin. En attendant de savoir si la France réussit ses paris sur le plan comptable, sur le plan sportif, elle espère décrocher une septième victoire dans le tournoi, 5 ans après la dernière, en 2018.

Gaspard Lagnel