“C’est moi, c’est ma liberté d’exister” Bianca Tosti, la revanche d’une artiste

Bianca Tosti est artiste, mais aussi restauratrice à Cannes ou encore guide touristique. Elle raconte son parcours et surtout l’histoire derrière ses œuvres : des bustes en bouton.

Bianca Tosti posant à côté d’un de ses bustes exposé dans son restaurant au Suquet le 20/02/23. Photo E.S.

Au milieu des tables dressées, Bianca Tosti, 66 ans, s’installe et se recoiffe. Autour d’elle, les murs, bruts et orange foncé, rendent la pièce chaleureuse et authentique, mais le plus surprenant se trouve dans les recoins de la salle. Des bustes ornés de boutons, foulards et colliers habillent l’étage du restaurant. Ces bustes, ce sont les œuvres de Brigitte Tosti, ou plutôt Bianca Tosti : “Quand je fais un buste, il y a un décalage entre moi, Brigitte, et Bianca, c’est comme deux personnalités.” L’artiste aux cheveux cuivrés et aux grosses lunettes ne fait pas ces bustes depuis toujours. À vrai dire, elle est passée par plusieurs étapes avant de créer son art.

“Je suis l’atypique de la maison”

Bianca Tosti est née dans une famille plutôt stricte, axée sur les études et le travail. L’artiste ne s’est jamais reconnue dans cette vision. Considérée comme “l’atypique de la maison”, elle décide de se débrouiller : figurante puis actrice pour des publicités avant de devenir hôtesse de l’air en Allemagne, la restauratrice aura eu plusieurs vies avant celle d’artiste. Vers 23 ans, elle se lance dans le tourisme en devenant guide internationale. Accompagnée d’experts dans chaque pays, elle part en Chine ou encore en Inde, parfois pour son métier, parfois pour aider, comme en Égypte. “Je demandais à mes clients de me donner de l’argent ou des vêtements et j’apportais tout ça à Sœur Emmanuelle. C’était un travail sans fin, mais moi, j’ai besoin d’aider les gens.” C’est pour ce besoin de communication qu’elle ouvre avec son mari dans les années quatre-vingt son restaurant au Suquet, le Chaperon Rouge.

Son premier buste marque le tournant de sa vie. En 2011, Brigitte Tosti découvre qu’elle est atteinte d’un cancer en phase quatre. En quelques semaines, elle enchaîne les chimiothérapies, elle perd ses cheveux et ses ongles. Bloquée à la maison pendant près d’un an, elle doit trouver une occupation : elle crée son premier buste sur le thème de l’Égypte. Au départ, c’était un moyen de passer le temps : “ À l’époque, je prends des épingles, je colle, je transpire, et j’ai ma perruque qui tombe.” Neuf mois plus tard, le buste est fini, mais elle décide d’en refaire un. Son travail, exposé à Monaco et vendu entre 3 000 et 15 000 euros, commence à devenir sa passion.

Photo d’une partie du buste “Saint-Tropez”, avec des coquillages, des boutons en ivoire et un foulard Cartier découpé, à Cannes, le 20/02/23. Photo E.S.

“C’est une revanche, une liberté. Ça, c’est moi”

Depuis maintenant plus de 10 ans, Bianca Tosti passe ses hivers dans son atelier. Ses œuvres sont pour elle une revanche face à son passé, son éducation et sa maladie.“On ne m’a jamais flattée, on ne m’a jamais dit c’est bien. Maintenant, je les regarde en disant « taisez-vous”. C’est une revanche, une liberté. Ça, c’est moi.” La différence entre Brigitte et Bianca est partout : “Je suis quelqu’un de nerveux alors que mon art est calme, je fais des choses féminines alors que je ne le suis pas. Je suis contente de devenir Bianca en laissant mon passé derrière moi.”

Seul souci, cumuler un restaurant et une vie d’artiste demande du temps et beaucoup d’investissement. Bianca Tosti et son mari, 74 ans, ont décidé de vendre le restaurant dans les prochaines années. “Mon corps m’a dit de faire un choix, alors mon choix est fait. C’est ça ma vie.”

Elsa SIMLER
édité par M.R.

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