Mort d’Yvan Colonna : les enjeux derrière la commission d’enquête

Depuis le 11 janvier, une commission d’enquête présidée par le député de la Haute Corse auditionne les différents représentants de l’administration pénitentiaire de la maison centrale d’Arles. Le but, déterminer les dysfonctionnements qui ont menés à la mort du détenu Colonna.

Le député Jean-Félix Acquaviva s’adressant à Corinne Puglierini lors de son audition le mercredi 11 janvier. Capture d’écran : Assemblée Nationale

L’affaire Colonna n’aura donc jamais de fin. Arrêté en 2003 pour l’assassinat du préfet de la République Claude Erignac en mai 1998, Yvan Colonna militant nationaliste corse, purgeait sa peine à la maison centrale d’Arles depuis près de vingt ans. Le 2 mars 2022, il est mortellement agressé par un codétenu, Franck Elong Abé. Le verdict de son premier procès, rendu en 2007, l’avait condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Une peine contre laquelle la défense avait fait appel, évoquant une erreur judiciaire et un dossier « absolument vide de preuves » selon les propos de son avocat, recueilli par l’AFP à l’époque. Depuis sa mort en mars dernier, c’est toute la Corse qui s’est levée pour son martyr. Le rapport prévu pour mai 2023 à l’issue de la commission d’enquête, doit déterminer l’ampleur de la responsabilité de l’administration pénitentiaire dans l’assassinat d’Yvan Colonna, et donc plus largement, de la responsabilité de l’État dans l’incident. Derrière toutes ces procédures judiciaires se lisent encore aujourd’hui les enjeux nationalistes corses.

« La dissimulation et l’omission volontaire de faits essentiels à la vérité »

Jean-Félix Acquaviva, député de la Haute-Corse, siège en la qualité de président dans cette commission. Mercredi 11 janvier, il ouvre la première journée d’audition en rappelant les résultats de l’enquête préalable menée par l’inspection générale de la Justice. Les conclusions de cette inspection ont permis au président de la commission et à son rapporteur, le député Laurent Marcangeli, de constater des incohérences entre les premières auditions de l’ancienne cheffe d’établissement de la maison centrale d’Arles et de son successeur, avec les résultats de l’enquête. Corinne Puglierini et Marc Ollier ont témoigné le 30 mars devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, soit 9 jours seulement après le décès d’Yvan Colonna, pour revenir sur le contexte dans lequel l’agression du détenu est survenue. L’inspection générale de la Justice révèle que, Madame Puglierini et Monsieur Ollier, auraient « relativisé certaines procédures, dissimulé et omis volontairement des faits essentiels à la vérité », selon les propos de Jean-Félix Acquaviva. La vérité apparait alors comme l’enjeu principal de cette commission. Plus encore que de déterminer les facteurs ayant menés à la mort du détenu, la question qui semble être suggérée est : pourquoi ne pas l’avoir protégé ?

Deux détenus particulièrement surveillés laissés sans surveillance

La question qui persiste et à laquelle va chercher à répondre la commission d’enquête est : comment Franck Elong Abé et Yvan Colonna se sont retrouvés dans la même pièce alors qu’ils étaient tous les deux qualifiés de « Détenus Particulièrement Surveillé » (DPS). En ce titre, les deux hommes ne devaient pas se croiser dans la mesure où ce statut impose aux surveillants, d’éviter de les réunir dans une même pièce. Franck Elong Abé avait obtenu le poste d’auxiliaire sportif, et c’est dans la salle de sports que s’est produit l’agression. L’agent de surveillance chargé du secteur s’est absenté pendant quinze minutes, période pendant laquelle Elong Abé a frappé puis étranglé Yvan Colonna. Durant les neuf minutes que durent l’agression, aucun des écrans du poste central de surveillance ne montre la salle dans laquelle se trouvent les deux détenus DPS, empêchant du même coup, une intervention rapide des agents de surveillance.

Des revendications nationalistes

La mort d’Yvan Colonna a levé en Corse une vague de contestation. En 1998 déjà, sa cavale avait largement été couverte par la population locale qui revendiquait son innocence dans l’assassinat du préfet Erignac. Dans le cortège des manifestations suivant son agression, plusieurs slogans mettent en cause l’État français, et des violences éclatent un peu partout sur l’île. Gérald Darmanin en déplacement en Corse pendant les manifestations, déclare le 15 mars 2022 que le gouvernement est « prêt à aller jusqu’à l’autonomie [de la Corse] ». Encore aujourd’hui, l’État semble continuer d’aller, de façon plus ou moins assumé, dans le sens des revendications corses. Lundi 31 janvier, la cour d’appel de Paris a accepté le projet de semi-liberté présenté par Pierre Alessandri, condamné en même temps qu’Yvan Colonna, pour le même crime : « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ».

Dunvel RAMALINGUM

Laisser un commentaire