La 2CV, « une voiture auvergnate avec un esprit auvergnat »

Membres actifs du Club des Amis de la 2CV, Jean-Luc Chetcuti et Jacques Desvignes retracent l’histoire de leur association et de la voiture mythique, liée en partie à l’Auvergne

Auteur d’un dictionnaire sur la 2CV, Jean-Luc Chetcuti (à gauche) pose à côté de Jacques Desvignes devant sa 2CV rouge, aux Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme). Photo : A.D.

C’est en deux chevaux (2CV) rouge que Jacques Desvignes se rend chez son ami Jean-Luc Chetcuti. Là-bas, la 2CV y est protéiforme : miniature, paillasson, peluche, cadre, revues… Cinquante-deux kilomètres séparent la maison de Jacques, à Thiers, et celle de Jean-Luc aux Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme). Une distance dérisoire comparée à la longueur et la grandeur de l’histoire de cette voiture mythique. Une histoire avec l’Auvergne comme point de départ, et plus précisément Lempdes.

Un marché à Lempdes ?

C’est ici que Pierre-Jules Boulanger, l’inventeur de la 2CV, s’installe en 1919 après être entré dans les usines Michelin. D’après la municipalité, c’est sur un marché à Lempdes qu’il a l’idée de produire sa « Très Petite Voiture« . « En réalité, il y a beaucoup de légende autour de ça, relativise Jean-Luc Chetcuti. Ce serait en allant faire un essai de traction à Dorat (Puy-de-Dôme) qu’il serait tombé sur un embouteillage à cause d’un marché. Il serait ensuite revenu à Lempdes et aurait soumis l’idée de créer une TPV. »

Dès lors, difficile de restreindre le berceau de la 2CV à Lempdes. « On peut dire que la 2CV est née à plusieurs endroits : à Lempdes, à la Fierté-Vidame (en Eure-et-Loir, où se sont déroulés les premiers essais), à Levallois-Perret où l’on a construit pour la première fois des 2CV en série, à Mangualde (Portugal) où la dernière 2CV a été produite. À Lempdes, la municipalité a cherché à valoriser la ville en s’appuyant sur cette histoire », raconte Jean-Luc Chetcuti, qui rappelle que l’actuel Hôtel de Ville de Lempdes est l’ancienne demeure de Pierre-Jules Boulanger. Quoi qu’il en soit, la 2CV reste « une voiture auvergnate dans un esprit auvergnat », lance Jacques Desvignes. « C’est la voiture du peuple, il y a cette idée d’économie, de ne pas gaspiller », ajoute Jean-Luc Chetcuti.

Pour partager leurs savoirs, plusieurs passionnés comme Jean-Luc et Jacques se sont rassemblés. En 1980, le Club des Amis de la 2CV est créé à Saint-Etienne (Loire) par Serge Aru. Jean-Luc le rejoint un an après, suivi de Jacques en 1992. S’il existait déjà des clubs de 2CV à vocation compétitive, il s’agit d’une des premières associations loisirs en France. Le club grandit, passe de l’échelle régionale à nationale et attire de nouveaux membres. Elle compte aujourd’hui 500 adhérents, qui possèdent chacun entre 2 et 3 voitures. Dès 1999, le siège du Club des Amis de la 2CV est basé à Lempdes. « Depuis 1988, tous les 10 ans, on fête l’anniversaire de la 2CV. En 2018, entre 300 et 400 voitures avaient défilé dans les rues de Lempdes », relate Jacques Desvignes. La même année, le jumelage entre Lempdes et Mangualde s’organise. « C’était une façon de lier le début et la fin de l’histoire, même si l’histoire n’est pas totalement finie », explique Jean-Luc. Une autre spécificité du club, c’est la rédaction de revues, dossiers et d’un journal bimensuel, « la Deux pattes ». « Cela permet de conserver des traces de l’histoire réelle de la 2CV », justifie Jacques.

« Le savoir, quand il n’est que pour soi, il ne sert à rien« 

Pour conserver cette mémoire, Jean-Luc Chetcuti a écrit plusieurs éditions du dictionnaire de la 2CV (début des années 90, 1998 et 2022), un véritable concentré de connaissances. « On me demandait beaucoup de renseignements sur la 2CV, alors je me suis dit qu’écrire un dictionnaire serait plus pratique », raconte-t-il. L’occasion donc de transmettre son expertise. « Le savoir, quand il n’est que pour soi, il ne sert à rien, il faut le partager », répète-t-il.

Si le Club n’a rien prévu pour les 75 ans de la mythique voiture, le programme commence à prendre forme pour 2028, et son 80ᵉ anniversaire. « On va organiser la Nationale qui est un rassemblement à l’échelle de toute la France d’utilisateurs de 2CV. On attend plus de 3.000 véhicules. C’est une première dans la région », dévoile Jacques Desvignes.

Si Jean-Luc a été le premier à se passionner pour la Dedeuch dans sa famille – aux écoles Michelin lorsqu’un opérateur cinéma venait en 2CV camionnette – Jacques, lui, a roulé en 2CV tout petit, avec son père. Bien qu’ils aient essayé de transmettre leur passion à leurs enfants, « ça n’a pas pris » rit Jacques. Peut-être la génération future ? « Ma petite fille reconnaît les 2CV au bruit », raconte-t-il. L’histoire de la 2CV n’est certainement pas près de s’arrêter en Auvergne.

Aurélien DUFOUR
édité par A.D.

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