Le lobby nucléaire infiltré dans la République

La France, un État profondément irradié par les défenseurs de l’atome ? C’est du moins ce que développe Corinne Lepage dans son dernier ouvrage.

Comment expliquer une telle emprise du lobby nucléaire ? Les raisons sont nombreuses d’après Corinne Lepage : des conflits d’intérêts entre le secteur public et le secteur privé à la pelle, une Autorité de la sûreté nucléaire tout sauf impartiale, l’absence de commission indépendante, le cumul des mandats chez les élus et les patrons d’entreprise, ainsi que le manque d’indépendance des médias dominants. Et la liste n’est pas exhaustive…

D’après l’auteure de L’État nucléaire, le lobby des « nucléocrates » tente à tout prix d’étouffer un débat de fond sur l’avenir du nucléaire en France. Passer sous silence le coût du nucléaire futur et maintenir le doute quant aux énergies propres et sûres dans l’opinion publique font partie de ses stratégies. Combattre sur le plan juridique les énergies renouvelables en France en est une autre. Corinne Lepage souligne également que les deux plus grandes entreprises d’électricité au monde, GDF Suez et EDF (financées en partie par l’État français), investissent principalement dans les énergies renouvelables à l’étranger, mais continuent de prôner le tout-nucléaire en France.

Fessenheim, le déni du risque ?

L’essai est paru quelques jours avant la publication d’un rapport parlementaire estimant que la fermeture de la centrale de Fessenheim devrait être reportée pour des raisons financières [François Hollande avait promis la fermeture de cette centrale vieillissante fin 2016]. De son côté, Corinne Lepage met en avant « le cumul invraisemblable de risques » d’une centrale initialement construite pour durer jusqu’en 2007. Elle insiste aussi sur le fait qu’EDF a refusé de faire des travaux en raison du «  caractère trop onéreux de ces investissements ». L’ancienne députée européenne croit qu’EDF s’oppose symboliquement à la fermeture de la centrale Fessenheim pour « affirmer son pouvoir sur le politique » et ainsi être en mesure de doubler la durée de vie de son parc électronucléaire.

LEPAGE, Corinne, L’État Nucléaire, Éditions Albin Michel, 2014, 235 p.
LEPAGE, Corinne, L’État Nucléaire, Éditions Albin Michel, 2014, 235 p.

Nicolas Richen

4 réflexions sur “Le lobby nucléaire infiltré dans la République

  1. Corinne Lepage que j’ai eu l’occasion de rencontrer il y a quelques années, m’a laissé l’impression d’une femme brillante au franc parler. Cela dit, sur un sujet aussi délicat et complexe, elle soigne aussi sa clientèle professionnelle, ce qui est normal.
    Qu’un lobby pro nucléaire existe, c’est évident.Qu’il défende son beefsteak va de soi, compte-tenu des intérêts en jeu.
    Mais la question nucléaire en France relève trop souvent du débat d’experts, lobby contre lobby (car ne nous leurrons pas, il y a aussi un lobby énergies renouvelables) laissant le commun des mortels dont je fais partie dans l’expectative.

    Il est intéressant de noter que plus les personnes habitent loin des centrales, plus elles leur sont défavorables. Peut-être du fait que les voisins, eux, se sont accoutumés, et surtout qu’ils en vivent. Dans la vallée du Rhône moyenne (Drôme Ardèche, Vaucluse, Gard), la population et nombres d’élus, toutes tendances politiques confondues, sont plutôt favorables au nucléaire. Il y a quelques années, j’avais eu une discussion avec le maire de Cruas (PCF). Il se préparait au fait qu’un jour la centrale fermerait, mais était hostile à toute idée d’abandon de la filière nucléaire. Je ne pense pas que depuis il ai changé d’avis.

    D’ailleurs, c’est dans cette région que l’opposition au gaz de schiste est la plus virulente. Je pense que cette population estime que s’il y a un risque nucléaire, le risque 0 n’existant pas, au moins dans son fonctionnement normal,l’industrie nucléaire est une industrie propre, pas de pollution olfactive, visuelle etc.(contrairement par exemple aux centrales thermiques), et que l’exploitation du gaz de schiste serait bien plus polluante et dégradante pour l’environnement. Et leur conviction est renforcée par le fait que Tricastin qui date des année 1970 ou Cruas, des années 80, n’ont jamais connu d’incident majeur. Certes, il y a bien eu en 1996 la distribution par l’armée des pilules d’iode, mais bon! il y a une véritable économie autour de ces centrales qui compense les quelques inconvénients apparents.
    Bien sûr, reste le problème entier des déchets et de leur durée de vie.

    Maintenant est-il raisonnable de poursuivre dans cette voie? Aux experts de nous le dire, mais il y a des risques, notamment celui de tourner en rond!
    Les énergies renouvelables semblent séduire par leur apparente gratuité. C’est vrai que profiter de la force du vent, de l’énergie solaire, de la puissance des fleuves est séduisant par le côté inépuisable de la source.
    sauf que chacune de ces énergies a ses détracteurs. On vous prouvera par exemple que le bilan carbone, (incluant donc la construction et la déconstruction) des panneaux solaires est déplorable. Sans compter que pour travailler la silice nécessaire à leur fonctionnement, on utilise des produits corrosifs extrêmement dangereux pour l’homme et l’environnement. On vous dira que les champs d’éoliennes sont extrêmement dangereux pour les oiseaux et chiroptères, des comptages de cadavre à proximité de ces sites auraient tendances à le prouver. Quant aux pêcheurs côtiers, ils sont plus qu’ hostiles aux champs éoliens maritimes qui modifieront les écosystèmes et gêneront l’action de pêche. Enfin il est prouvé qu’il n’y a pas plus traumatisant pour l’ environnement que les barrages, qui détruisent paysages, écosystèmes, terres cultivées et même arrivent à modifier le climat local.

    Alors si la solution était ailleurs ? Si la solution était dans la moindre consommation d’énergie? Si le fonds destinés à la recherche étaient majoritairement mis sur la réduction des consommations, plutôt que sur les sources? Sans doute utopique car gênant pour les intérêts financiers des 2 camps! Dommage….

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  2. J’ai oublié un point! Votre titre.
    L’infiltré dans le cas présent est la République. Donc le vrai titre devrait être soit ‘l’infiltrant de la République » ou « la République infiltrée ». Non? Cordialement

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