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Réfugiés politiques sur la Côte d’Azur #1
Ils ont dû fuir la situation politique de leur pays d’origine et se retrouvent maintenant sur la Côte d’Azur. Liberto, Zoran, Ansar : tous ont leur histoire, qu’ils ont accepté de nous raconter.
Liberto avait 11 ans lorsqu’il a traversé la frontière française. Aujourd’hui il en a presque 80: « Je m’en souviens encore très bien ; comment oublier ? C’était le 4 décembre 1947, on a marché toute la nuit et ma mère s’est blessée à mi-parcours ; à l’arrivée les gendarmes l’ont déposée à l’hôpital ». Les 25 km qui séparent Figueras (Catalogne) du Perthus (Pyrénées Orientales) ont été parcourus par des milliers d’espagnols pendant les 40 ans qu’a duré la dictature franquiste. « Mon père était un anarchiste qui avait fait la révolution dans son village en 1936, près de Castellón». Il a fui à la fin de la guerre, en 1939. Malheureusement Liberto et sa mère, qui auraient voulu le suivre, ont été interceptés dans leur fuite par les troupes nationalistes et ils ont dû rester en Espagne. 8 ans plus tard, il est parti rejoindre son père.

Exil républicains espagnols « En mars 1939 l’imminente victoire de Franco provoque l’exil vers la France de centaines de milliers de républicains espagnols. » (Crédit photo : abc.es)
D’abord réfugié dans l’Aude, il part quelques années à Paris puis s’installe définitivement sur la Côte d’Azur au début des années 1960. « J’avais le choix entre faire le service militaire en France et obtenir la nationalité ou rentrer en Espagne. Je n’ai pas hésité une seule seconde. » À Nice, jusqu’à la mort de Franco en 1975, il était l’un des animateurs de la CNT espagnole en exil, le puissant syndicat anarchiste qui a combattu pendant la guerre civile et dont des milliers de militants ont été condamnés à l’exil, à la mort et à la prison. Liberto raconte comment, pendant des années, ils ont aidé, grâce à un contact qui allait souvent en Espagne, des Espagnols à venir en France. Ensuite il les emmenait à Villefranche où des pêcheurs italiens les conduisaient en Italie, où ils étaient plus en sécurité.
« T’as tout perdu, tu débarques sans rien et ils te donnent tout »
« C’était pas ma guerre ; la guerre c’est de la merde, surtout si tu n’as rien à gagner, ce qui était mon cas ». C’est Zoran, un serbe de Bosnie, qui témoigne. Mobilisé lors de la guerre en Yougoslavie il passe trois ans et demi dans l’armée. Après un an et demi sans voir sa femme, on lui accorde une permission pour la visiter. « J’ai saisi l’occasion. J’ai pris ma femme et mon fils et je suis parti. En guerre chacun cherche sa ruse. Nous sommes allés à Paris car j’avais un ami là-bas qui pouvait m’aider». Dans sa ville d’origine, Travnik, la moitié des habitants ont fui à cause de la guerre. Contrairement à d’autres réfugiés rencontrés, il n’a aucune plainte à formuler : « C’est très bien organisé. T’as tout perdu. Tu débarques sans rien et ils te donnent tout ». Grâce à l’organisme France, Terre d’Asile, à Paris, et à ATE Accueil Travail Emploi, à Nice, il a obtenu un logement dans le quartier de l’Ariane. Il a appris le français et obtenu la nationalité française. Cela fait maintenant 20 ans qu’il habite à Nice et il ne compte pas revenir dans son pays d’origine.
Ansar, par contre, ne rêve que de retour. « J’ai tout là-bas : mon futur, mon poste de professeur, ma famille, mes amis ». Il est syrien et depuis 2010, à cause de la guerre, il n’a pas pu rentrer. Docteur en mathématiques, il travaille comme chauffeur pour une entreprise de tourisme. Il est arrivé à Nice en 2004, à 22 ans, avec une bourse de l’État syrien pour suivre ses études. Tous les ans il rentrait chez lui, en vacances, à Al Qusayr, dans la région de Homs. Jusqu’en 2011, lorsque son père lui dit de ne pas revenir, de patienter. « La ville est à côté du Liban et c’est un passage obligé pour les milices du Hezbollah ». C’est également en 2011 qu’il soutient sa thèse et que son permis de séjour expire. À l’époque l’asile n’est pas encore facilement accessible pour les Syriens. Il s’inscrit à la faculté de Lettres, en licence d’anglais, juste pour renouveler son titre de séjour. En 2012 il présente sa demande d’asile et l’obtient au bout de 10 mois, pour une période de 10 ans. Entre temps il apprend que sa ville a été complètement rasée par les forces gouvernementales et que ses 30 000 habitants ont dû fuir. Sa famille se trouve maintenant au Liban. « Je ne suis pas un vrai réfugié », juge-t-il. C’est qu’il compare sa situation à ceux qui ont vu les horreurs de la guerre et ont été contraints à la fuite. Pourtant il ne peut pas rentrer dans son pays, car il est réclamé par la justice ; il aurait dû revenir pour faire son service militaire et maintenant on lui demande de rembourser sa bourse. Ansar est un homme généreux et très serviable; qui a à cœur de restituer avec exactitude son histoire. Son seul souhait maintenant est que l’OFRA, l’Office Français des Réfugiés et des Apatrides, lui concède un permis de voyage pour aller visiter sa famille au Liban.
César Prieto Pérochon
Retrouvez dans quelques jours sur Buzzles.org la seconde partie de cet article sur les réfugiés politiques sur la Côte d’azur
Un bel article, sensible. Vous présentez des personnages, qui dans leur drame personnel s’en sortent bien. Ce n’est pas forcément le cas de tous.