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Des ados sages au lit
Si la majorité d’entre nous pense que les jeunes sont bien plus délurés au lit que leurs parents ne l’étaient au même âge, le fossé n’est, en réalité, pas si grand que ça.
Nettement plus libérés, bercés par le porno, initiés trop tôt, peu enclins à attendre l’amour pour coucher… Bref, des jeunes sans limites. Voilà l’image de la sexualité des jeunes d’aujourd’hui. Toujours plus simple de croire aux préjugés. « En réalité, les évolutions de la sexualité sont certaines mais multiples », souligne Alain Espesset, sexologue à Cannes. Charlie et Sébastien, 21 et 25 ans, ont une sexualité bien différente de celle de leurs parents. Difficile, au départ, d’accepter les pratiques sexuelles peu communes de leurs géniteurs. Nathalie et Pierre, les parents, sont mélangistes. Ils « jouent en couple avec d’autres corps. Il peut y avoir préliminaires hors couple, mais jamais de pénétration ». Tous deux la cinquantaine, ils habitent un petit village de la région Rhône-Alpes. Lui est fonctionnaire, elle est une ancienne aide à domicile, aujourd’hui femme au foyer. Lorsque Charlie a découvert les pratiques de ses parents, l’ado qu’elle était craignait que le mélangisme ne mette le couple en péril. Mais aujourd’hui, il leur arrive même de partager leur avis sur différentes tenues de soirées libertines. « Les pratiques sexuelles de mes parents n’ont aucune répercussion sur les miennes, ni sur celles de mon frère », dit-elle. Actuellement en couple avec un jeune papa, Charlie se décrit comme « trop jalouse pour pouvoir faire la même chose. Mon frère, il s’en fout mais il trouve ça déplacé ». Un terme qui en dit long.

Les jeunes sont très dépendants de leurs besoins affectifs et restent demandeurs d’affection (Crédit Photo: Eloïsa Patricio )
Un besoin d’amour et d’attachement
Pour Alain Espesset, « la vision du couple chez les jeunes est en fait d’un très grand conformisme ». Et leurs pratiques le sont aussi, malgré un accès toujours plus simple à la pornographie. Un sondage IFOP réalisé en 2013 auprès de 1 021 jeunes montre que le porno n’a pas vraiment changé les pratiques ; 62% des jeunes entre 15 et 24 ans ont déjà eu un « rapport sexuel complet », soit trois jeunes sur cinq. Et contrairement aux idées reçues, ils sont loin d’être contorsionnistes. Pour preuve, le sondage démontre que le missionnaire reste la position préférée de la génération 2.0, après la levrette et l’Andromaque. Classique. Par ailleurs, ou plutôt par derrière, seulement un tiers des 15-24 ans ont testé la sodomie, et entre 15 et 18% ont essayé avec la langue…
Une sexualité « multipolaire et immédiate »
La sexualité des jeunes d’aujourd’hui est disparate, mais la moyenne d’âge de la première fois n’a pas évolué. Depuis vingt ans, elle stagne à 17 ans. Mais cet âge moyen est loin d’être représentatif. Pour Alain Espesset, « il y a confusion dans les chiffres, entre des jeunes filles qui font l’amour à 12 ou 13 ans et d’autres qui le font à plus de 20 ans, par conviction religieuse ou simple respect de valeurs ».
Mais comme toutes les pratiques sont dans la nature, certains ont pour le moins évolué avec leur temps. « Moi, je baise comme dans les pornos. À part la belle lumière de la mise en scène, je ne vois pas la différence », avoue Nicolas, 18 ans. Son ami Florian a le même âge, mais nuance les propos : « Il n’y a pas de nouvelles pratiques, on n’a rien inventé. Et on ne peut pas savoir ce que nos parents faisaient au lit ou font encore », conclut Florian.
« Plus de liberté mais très peu d’évolutions »
Pascal Benoist, sexologue et enseignant à Paris XIII et à la faculté de Nice décrit la sexualité des jeunes d’aujourd’hui : « Les jeunes peuvent aujourd’hui s’informer très facilement sur internet pour savoir, par exemple, comment obtenir un orgasme. Ils essayent des choses, se font leur propre expérience… Mais ils n’ont pas de pratiques extravagantes ». Quant aux différences entre la sexualité des jeunes aujourd’hui et celle de leurs parents au même âge, elles ne sont pas si flagrantes si on en croit Pascal Benoist : « Les jeunes sont plus libres ; ils peuvent consulter plus facilement des films pornos que leurs parents par exemple, mais c’est la seule grande différence. Les rapports ne sont pas plus précoces : 60% des garçons ont déjà regardé un porno à 13 ans mais ce n’est pas pour autant qu’ils font l’amour l’année d’après. En moyenne, l’âge de la première fois reste à 17 ans. »
Encore plus sages aux Etats-Unis
Lisa Wade, professeure de sociologie à l’Université Occidentale de Californie, précise dans un article pour le « Pacific Standard » que les jeunes Américains n’ont pas un comportement si différent de leurs parents. « Même si les jeunes pratiquent plus le sexe oral, surtout la fellation, que les précédentes générations, ils continuent de prendre très au sérieux la première fois », explique-t-elle. Aux Etats-Unis, selon les chiffres du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, 57% des filles et 58% des garçons entre 15 et 19 ans n’ont jamais eu de relations sexuelles impliquant une pénétration.
Lara Pekez
Eloïsa Patricio
Suzanne Shojaei