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« Hitler ne m’a pas snobé »
La période de l’Allemagne nazie est remplie d’évènements historiques. Dans le lot, beaucoup ont dû être oubliés tandis que d’autres sont littéralement falsifiés.
Jeux Olympiques de Berlin, 1936. L’athlète Jesse Owens est la star du tournoi. L’américain aura remporté quatre médailles d’or. Sur 100 et 200 mètres, au saut en hauteur et au relais 4x100m ; disciplines où il établira des records mondiaux qui ont perduré même après sa mort. Aujourd’hui encore, le nom de Jesse Owens est synonyme de légende. Depuis 1981 un prix en son nom récompense le meilleur athlète américain de l’année. C’est en effet un véritable mythe qui s’est construit autour de son personnage. La confrontation entre l’athlète et le chancelier allemand, le triomphe du sport face à l’idéologie nazie. Un mythe rentré dans le discours ambiant, car il associe une réalité implacable à une morale de conte de fée. Ainsi l’Histoire raconte qu’Adolf Hitler, en rage devant les victoires du noir-américain, aurait quitté le stade avant de lui serrer la main comme le veut la cérémonie. Mais il est malheureusement facile de faire mentir l’Histoire, car elle est écrite ici par les vainqueurs de la guerre.

Jesse Owens à la première place du saut en hauteur, face à la tribune du chancelier allemand (Crédit photo D.R.)
Un exploit qui servira de propagande
Lorsque Owens a terminé la finale du 200m en première position, ce fut tout un stade qui était debout à l’applaudir. Berlinois compris. L’athlète a qualifié ces acclamations de chaleureuses et dira même avoir échangé un signe de la main avec Adolf Hitler, qui le regardait depuis sa tribune : « Quand je suis passé devant le Chancelier, il s’est levé, il m’a fait un signe de la main, et je lui ai rendu le salut. » Une citation qui n’a sûrement pas sa place dans ce que l’on peut entendre en général. La soi-disant censure autour de l’athlète est aussi un mensonge effarant quand on sait que Jesse Owens fut l’athlète le plus montré dans le documentaire officiel des Jeux, Die Olympia (sous le titre français Les Dieux du Stade). De plus, à la cérémonie de clôture, une rue de Berlin lui fut dédiée (la Jesse-Owens-Allee se situe juste en face du stade olympique). Quant à la légende selon laquelle Hitler aurait refusé de rencontrer l’Américain pour le féliciter, elle est démentie par un coéquipier d’Owens, Walther Tripps, autre coureur noir–américain, qui a lui aussi rencontré le chancelier lorsque l’équipe américaine remporte le relais 4x100m. En 1984, il rédige une lettre à la chaine allemande ZDF qui diffuse un documentaire sur les Jeux de 1936. Il souhaite y rétablir la vérité et y écrit : « Il était aussi prévu d’honorer le remarquable et inoubliable Jesse Owens », ce que le chancelier a fait en invitant le sportif à la Chancellerie du Reich. D’autres grands athlètes des Jeux comme Borchmeyer et Long étaient présents, et ont témoigné de l’esprit de camaraderie qui régnait lors de ces Jeux. En outre, l’idéologie nazie ne s’est pas répercutée sur les Jeux Olympiques, du moins quant au cas Owens bien évidemment.

Jesse Owens et Luz Long, athlète allemand de saut en hauteur, qui termine deuxième derrière Owens (Crédit newscom)
Plus qu’une interprétation de l’Histoire, c’est bien une falsification qui traduit des intérêts politiques et idéologiques. Un peu plus loin dans sa lettre, Walther Tripps dénonce « un mensonge lamentable; aujourd’hui la vérité est effacée, pour des raisons politiques, je présume ». Prendre le cas d’Owens comme un symbole de la lutte contre le régime nazi conduit rapidement à une confrontation idéologique entre les États-Unis et l’Allemagne nazie. Une instrumentalisation à laquelle Owens ne souhaitera jamais participer. Dans son autobiographie, l’athlète écrit : « Hitler ne m’a pas snobé, Roosevelt m’a snobé; le président ne m’a même pas envoyé un télégraphe. » Évidemment l’exploit du noir américain a jeté à terre les abjectes théories hitlériennes et a détruit fondamentalement les bases du régime nazi. Cependant, doit-il réellement figurer parmi la liste des arguments des détracteurs de l’Allemagne nazie ? Surtout quand on sait qu’à son retour aux États-Unis, Owens est considéré comme un héros national tout en restant un afro-américain, donc privé de certains droits civiques. Comme quoi à propos des minorités, il y a toujours un terrain d’entente.
Skander Farza
Vous touchez là à un vrai problème, l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et cela ne date pas d’aujourd’hui! (cf la guerre des gaules,…).
Il n’y a pas à douter, Hitler était un homme abominable, quelque part un fou, qui a mis à feu et à sang le monde entier. Il n’en restait pas moins un homme, et donc forcément, n’est pas aussi noir que ce que l’histoire veut bien nous raconter. Il a sans doute eu dans son océan de folie, des instants d’humanité, sinon comment croire que tout un peuple se soit laissé berner? Et l’histoire de Jesse Owens est là pour le prouver Le reconnaître ne pardonne en rien le reste de ses agissements plus que condamnable.
On est en droit aujourd’hui de s’interroger sur le niveau de tyrannie de certaines personnes considérées comme des dictateurs, Sadam Hussein en tête, mais aussi par exemple Moubarak, le Shah d’Iran…
Enfants de chœur, sans doute pas, dictateurs probablement, tyrans à voir…lorsque les intérêts des uns et des autres seront retombés et que la vraie histoire prendra le pas sur la politique. Mais la vérité peut mettre des siècles pour se révéler.