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Marche républicaine pour Charlie Hebdo : la présence du FN divise
Une marche est prévue dimanche 11 janvier à Paris, après l’attentat contre Charlie Hebdo. Organisée par dix partis politiques dont l’UMP et le PS, elle doit symboliser l’union nationale dans ce contexte de deuil. La place du Front National fait polémique : indésirable pour certains, indispensable pour d’autres.
L’unité qui prédominait depuis l’attentat du mercredi 7 janvier connaît un premier revers. Sous la houlette du gouvernement, une dizaine de formations politiques de tous bords était rassemblée jeudi 8 janvier. Cette réunion préparatoire avait pour but de planifier la marche républicaine prévue dimanche 11 janvier. Marine Le Pen n’a pas été conviée. La présidente du FN dénonce son « exclusion qui marque la fin de l’union nationale ».
Marine Le Pen dénonce son « exclusion » de la « marche républicaine ».
Les responsables du FN ont fait front avec leur présidente face à ce qu’ils considèrent comme une injustice.
Qu’est-ce qui empêchait le pouvoir d’organiser sereinement une marche d’union entre tous ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il exclue et divise ?
— Florian Philippot (@f_philippot) 8 Janvier 2015
D’autres responsables politiques de droite comme Laurent Wauquiez, François Fillon et Thierry Mariani (UMP) affirment que l’union nationale doit inclure le Front National. Le président du MoDem, François Bayrou, a déclaré : « l’unité nationale, pour exister, doit se donner comme règle qu’on n’exclut personne ».
Est-ce que pendant une heure le pays tout entier peut faire preuve d’une unité nationale? #ChalieHebdo #MarcheRepublicaine — François Fillon (@FrancoisFillon) 9 Janvier 2015
D’autres responsables n’hésitent pas à s’élever contre la présence du FN. C’est le cas de Julien Dray, député PS dans l’Essonne. Anne Hidalgo, maire de Paris, a abondé dans ce sens : « c’est une marche républicaine et un rassemblement républicain donc ne peuvent venir que les partis républicains. Le Front national ne fait pas partie de ces partis qui défendent les valeurs de la République. »
Le #FN reste marqué par son histoire, il n’a pas sa place dans la #manifestation dimanche. #CharlieHebdo
— Julien Dray (@juliendray) 8 Janvier 2015
Afin d’atténuer la polémique, François Hollande a sobrement répliqué que l’accès aux rassemblements ne sera pas limité.
François Hollande: « Tous les citoyens peuvent venir aux manifestations. Il n’y a pas de contrôle! » #CharlieHebdo #JeSuisCharlie — Nice-Matin (@Nice_Matin) 9 Janvier 2015
Un débat dérisoire
D’autres ont cherché à tourner l’affaire à la dérision. La crainte de récupération, qui existe depuis le début de cette affaire, devient une vraie problématique avec l’entrée en jeu des partis politiques.
Récup? Ce serait bien que le gouvernement ne confonde pas l’organisation de la manif de dimanche avec une montée des marches à Cannes
— Stéphane Guillon (@stephaneguillon) 9 Janvier 2015
Les réactions les plus véhémentes ne sont pas venues de la classe politique. Certains twittos célèbres n’ont pas hésité à montrer leur agacement face à l’incapacité des partis politiques à taire leurs divisions.
Les connards du FN qui disent que cet attentat c’est la faute de l’UMP et du PS, et qui s’étonnent de ne pas être invités à la manif. — Maitre Eolas ن (@Maitre_Eolas) 8 Janvier 2015
Un débat ubuesque
Les arguments existent dans les deux sens, le FN peine encore à être vu comme un parti « normal ». Dès lors, le vrai débat est peut-être : a-t-on vraiment besoin de partis politiques pour organiser une telle marche ? Près de 100.000 manifestants venus spontanément partout en France au soir de l’attentat semblent montrer le contraire.
Jean-Luc Mélenchon conteste le rôle organisateur des partis politiques, aisément substituables d’après lui :
Le mieux est que ce soient les syndicats, les associations qui appellent aux rassemblement et que les partis se mettent derrière.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 8 Janvier 2015
— La France a peur (@LaFranceapeur) 8 Janvier 2015
Ironie de la situation, le FN en ressort renforcé. En l’invitant, le gouvernement lui aurait donné la légitimité d’un parti comme les autres. En ne l’invitant pas, il lui confère le rôle de victime subissant une discrimination. Un comble, quand on sait à quel point Charb et ses camarades ont, de leur vivant, combattu les idées du parti frontiste.
.@leLab_E1 fin de la polémique pic.twitter.com/8CNo8eTb73
— La France a peur (@LaFranceapeur) 8 Janvier 2015
Lara Pekez & Loïc Masson
Quoiqu’on puisse en penser, l’ambiguïté vient des mots. Il y a une incohérence entre les termes « unité nationale » et « marche républicaine ». L’unité nationale concerne tous les français, c’est évident. La marche républicaine, c’est un peu plus délicat. Car certains pensent que seuls les partis « républicains » y sont concernés. A tort me semble-t-il, sinon que dire de la République une et indivisible? Même les partis tels que FN, royalistes, souverainistes etc…, n’étant pas en rébellion contre la République, sont dans la République. Sinon comment expliquer que ces partis puissent prendre part à des élections, procédures éminemment républicaines?
Tout cela sent un peu, voire beaucoup le calcul et la peur politique. Laisser marcher ces partis avec les autres, c’est alors les élever au niveau de l’alter ego. Et pourtant tous ceux qui vont marcher, de l’UMP au Front de gauche n’ont pas les mêmes opinions, et aucun n’arrivera au cours de cette marche à convertir l’autre à ses positions. Alors pourquoi le FN? J’ai eu l’occasion dans un commentaire de dire qu’il fallait arrêter de diaboliser le FN, du fait qu’il représente prés de 25% des électeurs, et qu’il fallait au contraire se battre sur les idées et les programmes. J’en déduis que là on est très mal parti, qu’on donne à Mme Le Pen une tribune exceptionnelle, qui n’avait pas lieu d’être et qu’on risque de rendre amers 25% de la population.
C’est le contraire du but recherché, l’unité nationale.
Je suis convaincu que des personnes FN, souverainistes, royalistes etc… sont tout autant que les autres horrifiés par ce qui vient de se passer, que s’ils ne sont sans doute pas les principaux lecteurs de Charlie Hebdo, ça ne veut pas pour autant dire qu’ils sont contre la liberté de la presse, et qu’à ce titre certains voire un grand nombre auraient souhaité manifester. Alors certes le Président de la République a cherché à rattraper le coup en disant que chaque citoyen était invité, mais je crois qu’on a raté une occasion d’union sacrée contre le terrorisme, hors de toute visée politique. Dommage.