Interview de Julia Roy, une artiste montante

A l’occasion de la projection du film À Jamais, de Benoit Jacquot, au festival En Avant Les Premières, Buzzles a rencontré l’actrice et scénariste Julia Roy. Pour son premier film en tant que tête d’affiche, elle témoigne de ses angoisses et de ses références.

Julia Roy est avant tout une actrice de théâtre. Elle a notamment joué sur scène du Shakespeare ou encore du Tchekhov. Originaire d’Autriche, Julia termine ses études à Vienne avant d’intégrer le Cours Florent, jouant notamment ses rôles en anglais. C’est alors qu’elle enchaîne les écoles jusqu’à intégrer en 2015, la Royal Central School of Speech and Drama. Les opportunités s’offrent donc à elles, tout d’abord, dans des courts métrages (Les filles de l’Hiver de Xavier Leprince en 2009 et Télencéphale de Rafael Monteiro en 2010 pour la Fémis, l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) et enfin dans des longs métrages. C’est la réalisatrice Sophie Fillières, pour son film Arrête ou je continue, qui la lance sur grand écran face à Matthieu Amalric. Un petit rôle qui lui permettra de s’affirmer, avant d’écrire le scénario d’À Jamais, pour le réalisateur Benoit Jacquot. Présenté à la Mostra de Venise hors compétition, le long métrage fait partie de nos coups de cœur du festival En Avant Les Premières des Arcades.

Pour votre premier long métrage en tête d’affiche, vous navez pas fait les choses à moitié. Est-ce que vous appréhendiez le ressenti des spectateurs ?

Bien entendu, j’appréhendais beaucoup, surtout me dire que j’étais dans quasiment la totalité des plans. De même, je me demandais si j’allais pouvoir porter le film du début à la fin. C’est un mois de tournage à tenir, rester cohérent dans son jeu et garder son personnage crédible. J’y ai pensé longtemps, du coup, ça m’a permis de mieux appréhender les premiers avis.

Vous incarnez à l’écran votre propre double, on imagine que cela a dû être compliqué à scénariser. Avez-vous écrit le personnage de Laura comme celui des autres ?

 Oui et je me suis même forcé à le faire. Sinon, je ne pense pas que cela aurait été favorable au film et ça aurait été même de la triche par rapport aux autres personnages. Il faut voir un film comme un entier, c’était un défi pour moi de m’imaginer comme cela. Quand j’ai finis d’écrire le scénario, je me suis demandé « Comment vas-tu pouvoir jouer ça » (Rires). J’ai fait en sorte de ne pas aller vers la facilité.

Don DeLillo est un auteur complexe souvent décrit comme inadaptable, comment avez-vous travaillez sur ladaptation de son livre The Body Artist, dont le film sinspire ?

J’ai été très libre dans mon travail d’adaptation. Don DeLillo ne m’a pas conseillé ou donné d’indications pour l’écriture du scénario. J’ai donc essayé de satisfaire pleinement Benoit [Jacquot] en ne partant pas dans des détails complexes ou des discours trop vagues comme Cronenberg (David Cronenberg a réalisé Cosmopolis en 2012, adapté également de Don DeLillo, NDLR). Le but était avant tout de convenir à Benoit Jacquot et pas à Don DeLillo. Par contre, ce dernier a vu le film à la Mostra de Venise et m’a remercié, c’était un moment très émouvant, j’étais fière du travail que j’avais accompli.

Justement, votre personnage est votre création, vous avez mis votre âme dans ce projet, avez-vous réussi à en faire le deuil?

Je n’ai pas l’impression de l’avoir laissé. Laura reste toujours, un peu, avec moi. Je ne peux pas me débarrasser d’elle et elle sera toujours en moi. Mais j’aime cette sensation, le fait de garder un peu de ce personnage en moi, je pense que cela peut être bénéfique pour mes futurs rôles.

Comment avez-vous réagi la première fois que vous avez visionné le résultat final ?

Ce n’est jamais très facile de se voir sur un écran, on remarque avant tout les défauts. Pourtant, c’est au moins la dixième fois que je vois le film et cela devient de moins en moins pénible de le voir. Du coup, je peux mieux me concentrer sur mon jeu, perfectionner certains détails. Malgré tout, je ne peux pas être satisfaite à 100%, contrairement au théâtre, je ne peux plus rien changer à ma performance. J’aime énormément le film, ce que Benoit Jacquot a fait et je suis très heureuse d’avoir fait le film.

De par votre discours, on vous devine très cinéphile, ce qui nest pas le cas de tous les acteurs. Quelles sont vos références ou les personnes qui vous inspirent le plus ?

On pourrait rester là pendant trois heures ! (Rires). J’aime Charlie Chaplin, qui m’inspire pour les imitations, Ingmar Bergman, Elia Kazan, Otto Preminger, George Cukor. Plus récemment, David Fincher, David Cronenberg, Stanley Kubrick. D’ailleurs, c’est Jack Nicholson dans Shinning de Kubrick qui m’a donné l’envie de jouer.

Vous retrouverez Benoit Jacquot en janvier, quel rôle allez-vous interpréter ?

C’est l’adaptation d’un livre, le premier de la Série Noire de Gallimard, Eva, écrit par James Hadley Chase, déjà adapté au cinéma avec Jeanne Moreau. Je jouerai la fiancée de Gaspard Ulliel, Caroline, un très beau personnage, une femme très amoureuse et généreuse. Elle est très authentique, elle a quelque chose de très entier, un caractère très humble. Tourner avec Gaspard Ulliel m’enchante énormément, c’est un acteur incroyable, qui m’a bluffé dans le dernier Xavier Dolan (Juste la fin du Monde, Grand Prix du dernier Festival de Cannes, NDLR).

Avez-vous dautres projets en termes d’écriture ?

J’aimerais énormément écrire un scénario. Malheureusement, pour l’instant, c’est impossible. Je dois préparer le rôle de Caroline donc je dois me détacher d’une quelconque idée de scénario. Malgré tout, j’ai une envie très forte de vouloir interpréter d’autres rôles.

Quest-ce que vous conseilleriez aujourdhui, à des jeunes qui veulent se lancer dans l’écriture mais qui nosent pas, la faute aux très faibles débouchées ?

Je pense qu’il y a trop de films qui se font et pas assez de cinéma pour les distribuer. L’argent occupe une place importante dans les productions. Je viens d’Autriche et je me suis rendu compte de la chance que l’on a en France de pouvoir voir des films très différents et partout sur le territoire. J’ai trouvé que c’était un luxe, surtout pour ceux qui aiment le cinéma. La France est le pays qui produit le plus de films en Europe, c’est déjà bien. Malheureusement, c’est difficile de s’immiscer avec tant de monde dans le circuit français. Malgré tout, je pense que c’est en France qu’un jeune pourra s’intégrer à cet univers-là. Il y a des festivals partout, pour absolument tous les genres, il y a donc de nombreuses possibilités. Le talent se paye forcément un jour, surtout avec la persévérance.

Roberto Garçon
 Louis Verdoux

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