La « Deudeuche » électrique, des normes et un usage différent

De plus en plus de deux chevaux expérimentent le rétrofit pour passer à l’électrique. Coûteux, ce dispositif, très encadré pour les « deux pattes », ne fait pas l’unanimité au sein des passionnés. L’Atelier de la 2 CV à Grasse est l’un des établissements agréés en France.

Thierry Bravet propose le rétrofit, le passage à l’électrique, des deux chevaux à son atelier, à Grasse. Photo A.D.

Plus le même bruit, plus la même odeur. Est-ce toujours une deux chevaux (2CV) ? Le rétrofit, la conversion de moteurs thermiques en électriques, s’étend aux 2 CV, mais ne séduit pas tous les conducteurs de « deux pattes ». Pourtant, depuis 2021, l’Atelier de la 2CV à Grasse propose aux conducteurs de 2CV de passer à l’électrique.

Mais électrifier cette voiture produite dans les années cinquante doit respecter certaines règles. Avant de changer le moteur, « on remplit un questionnaire sur l’état de la voiture : la boîte de vitesse, la suspension, les freins… Il faut que tout soit ok », cadre Thierry Bravet, de l’Atelier de la 2CV. Plusieurs normes doivent également être respectées, comme placer la batterie 30 centimètres à l’intérieur pour la protéger des chocs, ou ne pas dépasser plus de 10% du poids initial du véhicule à la suite du rétrofit.

D’autres conditions sont nécessaires pour rétrofiter sa 2CV. Seules les voitures thermiques de plus de cinq ans sont éligibles. « Ce principe-là devrait tomber d’ici à quelques mois, anticipe Thierry, il serait donc possible d’acheter une 2CV thermique et de la rétrofiter directement. » Une garantie est également obligatoire. « Le fabricant garantit la préservation de l’intégrité de tous les éléments du véhicule transformé avec un dispositif de conversion électrique qu’il commercialise », peut-on lire sur le site du Ministère de la Transition écologique. Pour les garages et ateliers, un agrément est requis. En France, 13 établissements sont officiellement autorisés à pratiquer le rétrofit pour les 2CV, selon les données du site Rétrofit Vintage. Quatre autres devraient ouvrir prochainement.

Pour remplacer le moteur d’une deux chevaux, une procédure et plusieurs normes sont à respecter, comme installer la batterie 30 cm à l’intérieur du compartiment. Photos T.B.

Mais rendre sa « Deudeuche » électrique a un coût. 14 900€ sont à prévoir pour obtenir un kit rétrofit. Depuis le 1ᵉʳ juin 2020, pour encourager ce passage à l’électrique, une prime à la conversion rétrofit allant jusqu’à 6 000 € est mise à disposition, selon le revenu fiscal du conducteur.

Une parade face aux Zones à Faibles Émissions

Le prix à payer pour profiter des avantages conférés par l’électrique. À commencer par l’absence de restriction de circulation. Depuis le 1ᵉʳ janvier, les véhicules automobiles Crit’Air 5, les plus polluants, dont les 2CV, ne peuvent plus circuler au sein des 11 Zones à faibles émissions (ZFE). Les voitures Crit’Air 4 seront concernées dès le 1ᵉʳ janvier 2024, et Crit’Air 3 en 2025. Et d’ici-là, 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront instaurer une ZFE planifie le site de l’administration française.

Nice fait partie des 11 premières métropoles à avoir mis en place une ZFE. « Aujourd’hui, il faut un véhicule propre ou une voiture de collection pour circuler à Nice, ce qui est insensé, puisqu’une voiture de collection pollue autant que la même voiture classique », lance Thierry Bravet. Rétrofiter son véhicule permettrait aux propriétaires de 2CV maralpins de se rendre légalement à Nice. La batterie présente « jusqu’à 80 km d’autonomie, contre 300 pour une 2CV classique » Si l’autonomie de la batterie est plus faible, les bruits et les odeurs sont fortement réduits.

« Ce ne sont pas les mêmes sensations »

Ce dernier point constitue une véritable pierre d’achoppement entre les propriétaires de « deux pattes ». Jacques Desvignes, membre actif de l’antenne auvergnate du Club des Amis de la 2CV, estime qu’une « Deuche » rétrofitée « n’est plus une vraie 2CV, il n’y a plus le bruit, l’odeur, ce ne sont pas les mêmes sensations ». Thierry Bravet, lui, y voit un usage différent. « Une 2 CV rétrofitée, on l’utilise à l’échelle du département, pas pour faire de longs voyages comme on peut le faire avec une 2CV classique », estime-t-il.

Depuis 2021 et l’obtention de l’agrément rétrofit, seuls quatre changements de moteur ont été réalisés à l’Atelier de la 2CV à Grasse. « On dépend du Méhari Club de Cassis [un autre atelier de 2CV, NDLR] au niveau des pièces détachées, et on a été victimes de problèmes d’approvisionnements à cause du Covid et de la guerre en Ukraine, explique Thierry. Mais la demande et là, on commence à recommuniquer dessus », poursuit-il. Quatre-vingts ans après sa conception, et 25 ans depuis la fin de sa production, la voiture préférée des Français continue de se réinventer.

Écrit et édité par Aurélien DUFOUR

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