Hervé Renard en toute intimité

Entre forte médiatisation et préparation des Jeux Olympiques 2024 avec l’équipe de France de football féminine : le sélectionneur se confie en revenant sur son parcours footballistique. 

Hervé Renard à son domicile à Cannes, le 8 février 2024. Photo Laura Khil

Le sélectionneur de l’équipe de France féminine nous a accueillies à son domicile à Cannes, avec le sourire et un ensemble de jogging, comme s’il était prêt à coacher son équipe. Né du côté d’Aix-les-Bains (Savoie) en septembre 1968, ce fils unique grandit avec sa mère qui travaille dans la restauration. Fan de Saint-Étienne, sa passion pour le football démarre très tôt. “Mon enfance était faite de sport. Je me souviens de cette bande de copains, avec laquelle on se retrouvait chaque semaine pour les entraînements et les matchs. On gagnait beaucoup, donc l’ambiance était magnifique. J’ai eu une enfance plus qu’heureuse grâce au football. Et depuis, j’ai fait toute ma vie là-dedans !”, raconte Hervé Renard. Sa mère étant très prise par le travail, il se rendait régulièrement chez sa voisine, Andrée Hubschwerlin. Cette dernière se rappelle : “Le jour de sa communion, il portait ses crampons sous son aube blanche”.

Hervé Renard à l’âge de 10 ans avec ses coéquipiers du club de football d’Aix-les-Bains. Photo DR
Hervé Renard à l’âge de 10 ans, chez sa voisine à Aix-les-Bains, se préparant avant un match. Photo DR
Hervé Renard à l’âge de 12 ans avec son club de football d’Aix-les-Bains. Photo DR

Adolescent, le Savoyard se moque de l’école et consacre la plupart de son temps au sport. “En classe, il avait toujours le journal L’Équipe entre les mains. Le directeur de l’école lui avait dit qu’il fallait qu’il se mette au travail parce qu’il ne gagnerait pas sa vie dans le foot !”, se souvient Christelle Khil, son amie d’enfance.

Hervé Renard à l’âge de 14 ans avec son équipe de football d’Aix-les-Bains. Photo DR

“On rentrait chez nous pendant la pause du déjeuner parce qu’on habitait juste à côté. On arrivait à la maison à midi. Quinze minutes plus tard, après s’être dépêché de terminer son assiette, vous pouvez être certain qu’il était déjà reparti pour jouer au foot dans la cour du collège”, poursuit-elle. 

Hervé Renard et Christelle Khil, son amie d’enfance, au dixième anniversaire d’Hervé Renard à Aix-les-Bains, le 30 septembre 1978. Photo DR

“Pas assez de qualités en tant que joueur”, Hervé Renard se rattrape en tant qu’entraineur

À 15 ans, il intègre le centre de formation de Cannes.

Au début des années 90, le club de la Côte d’Azur est très réputé. Il fait naître plusieurs autres champions du football comme Zinedine Zidane, qui restera au centre de formation entre 1987 et 1992.  

Hervé Renard à l’âge de 17 ans pendant un entraînement de football, au centre de formation de Cannes. Photo DR
Hervé Renard et Zinedine Zidane au centre de formation de Cannes, avec leurs coéquipiers, en 1988. Photo DR

“J’ai atterri à Cannes en 1983 par hasard, parce que j’avais un copain qui avait été contacté par le centre. Mes entraîneurs de l’époque ont demandé au club s’il pouvait me prendre aussi. Finalement, ils m’ont pris moi et pas mon copain ! Le destin est parfois un peu cruel, mais c’est de là que tout a commencé”.  À l’époque, c’est Guy Lacombe qui est responsable de l’équipe réserve du centre de formation, dans laquelle s’entraîne Hervé Renard. “J’en avais fait mon capitaine. Ce n’est jamais par hasard qu’on nomme un joueur capitaine ! C’était quelqu’un de très vaillant avec un certain charisme. Il travaillait beaucoup donc ça permettait au groupe de suivre. Il avait la carrure, la droiture et surtout l’esprit pour mener à bien ses coéquipiers.” Et de reprendre : “Il impressionne beaucoup de personnes : rien ne lui a été donné. Il a fallu qu’il travaille à la force de ses bras et de ses mains. Il a beaucoup cherché, observé… Il a un charisme naturel qui fait la différence, donc dès qu’il a pu saisir les opportunités, il l’a fait, avec le succès que l’on connaît. »

Par la suite, le défenseur évolue à Vallauris en troisième division pendant sept saisons, avant de terminer à Draguignan (deux échelons plus bas), où une blessure au genou l’écarte du terrain. “À Cannes, j’ai réalisé mon objectif qui était de signer professionnel. En tant que joueur, j’aurais espéré faire beaucoup mieux, mais je n’avais pas assez de qualités pour jouer en première division”. Pourtant, il n’a pas renoncé et a surmonté les difficultés en endossant le costume d’entraîneur. “Il ne faut pas baisser les bras et continuer de croire en soi. Quand j’ai passé la barrière de la reconversion, je me suis dit qu’il fallait que j’aille chercher ce que je n’avais pas réussi en tant que joueur”.

Un nouveau surnom : le “sorcier blanc” 

À l’âge de 32 ans, Hervé Renard quitte ainsi la France pour la première fois, et vit sa première expérience à l’étranger : il devient l’adjoint de Claude Leroy à Shanghai. Mais c’est en Afrique que le sélectionneur français aura le plus de succès. En 2012, il porte la Zambie sur le toit du continent, lorsqu’elle remporte son premier titre de champion de la Coupe d’Afrique des Nations. 

Il gagne une deuxième CAN en 2015, avec cette fois-ci, la Côte d’Ivoire. Il marque ainsi l’histoire du football africain en devenant le premier entraîneur à remporter la CAN avec deux sélections différentes. Un succès qui lui vaudra le surnom de “sorcier blanc” par les sélections africaines.

“ J’ai commencé à entraîner à 29 ans. Je n’imaginais pas devenir entraîneur à l’étranger, parce que je n’avais jamais bougé de chez moi… À part passer les frontières suisses et italiennes près de la Savoie : je n’avais jamais voyagé, s’amuse-t-il aujourd’hui. C’est grâce au football que j’ai pu aller dans autant de pays différents. Y entraîner m’a permis d’avoir une grande ouverture d’esprit et de privilégier les relations humaines.” Ensuite, il participe à trois Coupes du Monde avec le Maroc, l’Arabie Saoudite et enfin la France, puisqu’il entraîne désormais l’équipe de football féminine. 

L’image iconique d’Hervé Renard en chemise blanche toujours bien repassée, contrastée avec la pelouse verte ne vient pas de nulle part. “Lorsqu’il sortait de l’école, il venait toujours dans mon pressing avec son sandwich à la tomme de Savoie. Il le mangeait en me regardant repasser. Il m’a confié récemment que ses chemises blanches sont toujours bien repassées parce qu’il a appris en me regardant. ”, raconte fièrement André Hubschwerlin. « Je me rappelle de la première Coupe du Monde que j’ai regardé à la télé. C’était en 1978 chez ma voisine. Je n’ai jamais raté un seul match de Coupe du Monde depuis ce moment. », raconte-t-il. Malgré ses nombreux succès, Hervé Renard garde les pieds sur terre : “J’ai grandi avec des valeurs simples. Ce n’est pas parce qu’on réussit dans le football que l’on doit se sentir supérieur et se comporter différemment.”

“Je suis quelqu’un de très sensible”

Très médiatisé, Hervé Renard ne lit pas tous les articles qui parlent de lui et préfère se concentrer sur le positif : “Je suis quelqu’un de très sensible. Parfois, les articles trop critiques m’atteignent énormément. Il vaut mieux rester en dehors de ça.” Et s’il est désormais sollicité par de nombreuses sélections africaines et asiatiques, il n’oublie pas que cela n’a pas toujours été aussi simple : “Aujourd’hui, j’ai plusieurs propositions et c’est une chance, car cela n’a pas toujours été le cas. Je me rappelle du temps où j’attendais que mon téléphone sonne… Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. D’ailleurs, il sonne même parfois trop, et je me dis qu’il faut faire des choix.” 

Objectif Paris 2024

L’homme de 55 ans rêve aujourd’hui d’égaler Hassan Shehata, vainqueur de trois CAN avec l’Égypte. Mais pour l’instant, le sélectionneur des Bleues a le regard tourné vers les Jeux-Olympiques de Paris 2024. “Plus le métal précieux de la médaille sera, mieux ce sera ! Il faut tout faire pour que l’équipe soit prête pour août 2024. On aura ce qu’on mérite ! À nous de bien travailler, car il y a moyen de faire quelque chose d’intéressant. » Ce qui est certain, c’est qu’Hervé Renard en veut encore plus.

Les dix dates clés de la carrière footballistique d’Hervé Renard, de sa naissance à aujourd’hui. Infographie : Romane Passet.

                                                                      Romane PASSET & Laura KHIL

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