« Une fusion improbable entre metal et tubes du dancefloor »

Dancefloor Disaster gravit les marches du succès © L.M

Samedi 20 octobre, à Cannes, on entend résonner les riffs et les hurlements, on sent couler la bière et la sueur… sur du Britney Spears. Les métalleux de Dancefloor Disaster se réapproprient la dance music. Ce cover band (« groupe de reprises ») revisite des tubes de compositeurs internationaux comme Lady Gaga, LMFAO ou encore David Guetta, dans le plus pur style métal. Les six membres de ce combo explosif, tous issus de la scène nantaise underground, ont entendu des dizaines de fois les mêmes chansons formatées à l’antenne. Marre de ne pas pouvoir headbanger en allumant la radio, ils mélangent les deux genres aux antipodes, offrant une prestation scénique complètement fendante, détraquée et généreuse. Aussi rock’n’roll sous les projecteurs que dans la loge, Scarinx (chant), Ronpopopom (guitare), R2Dgueu (chant), So6Po (batterie), Sklinex (guitare) et ChiliKoncarnage (basse) arrivent chacun à leur rythme. « C’est bon, tout le monde est là ? Champagne ! ».

Comment résumez-vous ce projet ?

Scarinx (chant) : Du club métal. La fusion improbable entre du métal et des tubes du dancefloor. Le principe existe déjà, mais de là à en faire un groupe et un album, c’est inédit ! A la base c’est une blague, qui a pris une proportion autre… On est dans les extrêmes : on mixe le côté crade et sans prise de tête du métal, et la grosse machine bling-bling accrocheuse et sans défaut de la dance.

D’où est venue cette idée de reprendre des tubes connus ?

Scarinx : On a fait une reprise pour un festoche. L’idée a bien fonctionné, et Mamadouxx (guitare) et ChiliKoncarnage (basse) nous ont appelés pour le projet. L’entente est au top et on se marre bien sur le projet. Au début, c’était vraiment pour le fun, et puis on l’a pris plus sérieusement. Tout s’est enchaîné, on a créé une maquette, une vraie équipe technique est rapidement venue sur le projet…

R2Dgueu (chant) : Et le Hellfest [festival de musique métal, ndlr] s’est positionné très vite, après six mois d’existence du groupe. On y a joué en 2011 et 2012. Et la résultante des concerts, c’est qu’on a réussi à toucher d’autres publics. Les gens qui nous voient ont cette réaction : « ah moi qui aime pas le métal, finalement c’est sympa ».

Ronpopopom (guitare) : A la base, c’était vraiment pour notre plaisir, on trouvait ça fun de prendre un morceau connu et de le défoncer.

Est-ce que vous n’avez pas l’impression de déranger dans le métal, un style assez « protégé » des incursions d’autres genres musicaux ?

Scarinx : Le pied de nez, ça fait partie du délire. Mais ce qui est génial, c’est que la plupart des métalleux le prennent hyper bien.

Et les puristes ?

En chœur : Ah moins bien évidemment !

R2Dgueu : Attends, on n’a pas encore eu d’article sur VS-webzine [webzine de métal français connu pour son forum très virulent, ndlr] donc tout va bien… Euh, tu ne travailles pas pour VS j’espère –rire- ?

So6Po (batterie) : De toute façon, le métalleux a déjà écouté, plus ou moins malgré lui, de la dance music. Il s’y retrouve quelque part, mais il y a un « complexe » de la danse.

Comment choisissez-vous les tubes repris ?

So6Po : On écoute et on sent le potentiel métal d’un tube. Mais ça ne marche pas à tous les coups, il y a des morceaux plus ou moins adaptables.

R2Dgueu : Les tubes choisis sont des gros tubes, vieux comme nouveaux. Des morceaux qui ont marqué tout le monde, et qui ont à la base un bon rythme. Les morceaux rock sont les seuls à ne pas bien fonctionner.

Que pensez-vous du rock d’aujourd’hui ? Trop influencé par la musique dancefloor ?

Sklinex (guitare) : Faut qu’ils fassent quelque chose pour leurs cheveux !

Scarinx : C’est sûr que le rock qu’on entend est plus limé, plus FM…

R2Dgueu : De toute façon, ça fait vingt ans qu’il n’y a plus de radio nationale française qui passe du rock. L’époque dorée, c’était quand Fun Radio passait Rage Against The Machine, Prodigy, Nirvana, The Offspring… Sauf que maintenant, c’est hit groove only ! Pourtant, la création française est beaucoup plus puissante qu’il y a dix ans. Aujourd’hui, les jeunes jouent bien mieux à 17 ans que nous à 25, mais les maisons de disques signent moins. Si ça passe dans l’ascenseur c’est cool, s’il y a trop de distorsions dans la guitare, c’est pas possible. Avant, le rock allait à toi par la radio, maintenant faut aller le chercher.

Ludo (manager) : En fait, c’est la technique du mainstream, née il y a dix ans. C’est-à-dire qu’on met en avant dans les médias uniquement les projets qui peuvent correspondre à 90% des gens.

R2Dgueu : Qui fédèrent ! Par exemple, Yannick Noah, je ne dis pas que c’est bien ou pas bien, mais ça plaît à tout le monde ! Si n’importe quel groupe de métal passe sur TF1, tu peux être sûr que la chaîne va recevoir des lettres de plainte. Le rock français n’est pas le problème, ce sont les gens qui sont au-dessus. Il y a un essor créatif monstrueux, mais plus il y aura de création, moins il y aura de médiatisation. Sauf si tout le monde se met à faire du rock !

Scarinx : Paradoxalement, avec Internet, on n’a plus besoin d’avoir un label ou un clip pour se lancer, et pourtant tout se confond. Il y a tellement de possibilités qu’il en ressort un truc lisse.

Le style métal, c’est un genre qui fait toujours un peu peur ?

Ronpopopom : Moi ça me fait peur.

Scarinx : C’est fait pour ! Le métal est le bâtard de la musique, il est là pour contrecarrer ce qui est sur les rails. Désolé du terme primitif, mais c’est fuck !

So6Po : C’est un a priori superficiel. Les textures de son sont différentes des autres styles, plus violentes. L’apparat peut faire peur aussi, les clous, les sacs de sang séché ! Non sérieusement, il y a tellement de styles dans le métal, c’est une famille aux ramifications très nombreuses, le deathcore, le trash, le speed, il y même du rap-métal, symphonique, cubain…

R2Dgueu : Il manque que le zouk métal ! Si DFD ne marche plus, on s’y met les gars !

Quelle est la remarque qu’on vous fait le plus souvent sur votre style ?

Ronpopopom : « Vous êtes trop balèzes. »

Scarinx : Difficile à résumer, ce qui est sûr c’est qu’à chaque fois les gens se marrent. L’idée, c’est con et c’est vulgaire, mais on détend les nerfs du cul ! Les gens se lâchent, et ça fait plaisir. D’ailleurs, c’est hallucinant de voir qu’on rame pendant des années pour monter nos carrières personnelles, et avec DFD tout s’enquille d’une façon incroyable.

Un futur projet d’album ?

Ludo : Pour sortir un CD, c’est compliqué… il y a des questions de droits d’auteur. Il faut savoir à quoi on s’attaque. Dès qu’on commercialise, il y a des reversements de droits qui vont aux compositeurs d’origine. Lady Gaga va s’en sortir super bien si DFD cartonne.

R2Dgueu : Est-ce que ça va changer son compte en banque ? Ça lui fera 90 euros de plus à la fin du mois !

Scarinx : Pour le moment, ça reste une démo professionnelle. Mais les gens sont tellement sympas, parfois on craque, et on l’offre avec le t-shirt !

R2Dgueu : La maison de disque implique des objectifs, ce n’est plus une blague… Ou alors un label qui nous laisse carte blanche, qui paye les droits aux ayants-droits ! On est quand même dans l’optique d’un projet qui peut durer. Mais le fait d’être absent des Fnac ne signifie pas qu’on n’existe pas.

Vous pourriez nous faire une petite impro ? Justin Bieber par exemple !

En chœur : On ne connaît même pas ! On est trop underground.

Sklinex le tente, sans grand succès.    

R2Dgueu : En l’occurrence, c’est une très mauvaise chanson. On dirait un cor de chasse qui geint.

So6Po : Il y a un mashup Justin Bieber-Sklipnot. Très sympa, ça s’appelle Psychosocial Baby.

Sinon, une idée pour votre prochaine reprise ?

En chœur : Gangnam style !

La tournée de Dancefloor Disaster continue : le 17 novembre à Gorges (44), le 22 novembre à Nantes (44), le 30 novembre à Angers (49) et le 14 décembre à la Roche sur Yon (85). 

Elvire Simon

–> « Lady Gras Gras », leur première reprise, à voir et écouter ici.