François Delecour, maître de cérémonie funéraire

La rédaction s’est rendue dans le bureau d’un homme dont le métier est mal connu et souffre de nombreux a priori. François Delecour est maître de cérémonie funéraire au sein d’une entreprise de pompes funèbres basée à Cannes.

François Delecour n’avait pas la vocation pour le métier. C’est en 1966, alors qu’il n’a que 19 ans et qu’il termine à peine ses études, qu’il approche pour la première fois la profession de maître de cérémonie funéraire. Lorsqu’il assiste aux obsèques de sa grand-mère, il s’étonne de voir un maître de cérémonie très jeune. Au travers de la discussion qui s’en suit, François se voit dépeindre un portrait du métier « très surprenant ». Le maître de cérémonie est le chef de l’équipe qui organise la prestation funéraire. Avant et lors du convoi funéraire, il accompagne la famille et veille au bon déroulement des opérations jusqu’à la mise en bière et à l’inhumation ou la crémation. Ce qui l’a charmé, c’est la notion de service rendu aux familles qu’induit ce métier. Dans sa ville, à Arras, l’idée continue de lui trotter dans la tête. Peu de temps après, il remarque une offre d’emploi sur la devanture d’un bureau de pompes funèbres. « J’ai eu un flash, je n’ai pas eu d’autre choix que de pousser la porte, et ce, sans aucune appréhension. » Dans la foulée, il démissionne du poste qu’il occupait aux PTT et commence à travailler auprès d’un maître de cérémonie funéraire.

Légende photo : A 66 ans, François Delecour est toujours aussi passionné par son métier. Photo : C.P.
A 66 ans, François Delecour est toujours aussi passionné par son métier. Photo : C.P.

« Au départ, il m’est arrivé de pleurer »

Aujourd’hui, cela fait quarante-sept ans que François Delecour exerce sa profession. « Pas toujours évident si on est sensible au départ » confie-t-il, lui qui n’était pas préparé. Une année d’adaptation lui a été nécessaire avant de pouvoir effectuer en toute autonomie son premier service à une famille en deuil. « Au départ, il m’est arrivé de pleurer aux cotés des personnes endeuillés : j’étais très sensible et on voit des corps d’enfants, des corps d’accidentés… » Le maître de cérémonie a dû prendre sur lui afin d’occulter « ces visions de la mort qui sont laides », pour mettre en avant le service rendu.
A l’âge de 27 ans, il devient directeur des pompes funèbres générales de Paris. Cependant « faire de l’argent sans prendre en compte la situation des personnes » ne lui convient pas ; la gestion de grosses entreprises n’est pas pour lui. C’est à partir de ce moment que débute ce que François Delecour nomme « la seconde période de sa vie » : son installation sur la Côte d’Azur en 1988. Familier de cette région après de nombreuses vacances passées à Mandelieu, il s’installe à Cannes où il monte sa propre entreprise de pompes funèbres. « J’étais un pionnier qui s’installait là où il n’y avait pas de concurrence ». La société Roblot, qui détenait un monopole vieux de plus de cent ans, attaque immédiatement l’entreprise de François Delecour. En dix ans, il doit faire face à plus de 200 procès. Au moyen de plaintes auprès du conseil national de la concurrence, il entend dénoncer le monopole qui entrave la libre concurrence au sein des pompes funèbres. La « pression mise sur les juges » et « cette justice des riches et des pauvres » lui auront fait perdre un certain nombre de procès. En 1997, un arrêt de la Cour de Cassation abolit finalement le monopole des pompes funèbres Roblot.

« Le métier évolue plutôt mal »

Au sein de son entreprise, François Delecour s’attèle à éviter « le business à tout prix sur la mort ». Le directeur des pompes funèbres Athéna se félicite de diriger une entreprise « bon marché ». Il déclare également « tirer sa satisfaction des seuls remerciements des familles. » Pourtant, l’évolution des moeurs, les changements sociétaux et les bouleversements économiques ont fait muer la profession. Le maître de cérémonie constate que les pompes funèbres affichent de moins en moins de standing. Il a pu également remarquer une augmentation considérable du nombre d’incinérations (hausse de 50% en trente ans), qu’il explique par la hausse des prix des concessions ainsi que la publicité qui est faite à propos de cette pratique. Et puisque son métier doit s’adapter et vivre avec son temps, François Delecour commence à travailler avec le web tout en diminuant l’investissement dans les annuaires. Nécessaire, si on veut réduire les coûts et proposer des prix raisonnables. S’il est fier du chemin parcouru et de sa carrière, le chef d’entreprise constate que « le métier évolue plutôt mal ». Aujourd’hui, il faut se voir dispenser 176h de formation payante afin d’apprendre le métier. « Les gens n’ont plus de convictions, plus de vocations, ils font ça parce qu’il est difficile de trouver un emploi aujourd’hui » regrette-t-il, et trouve cette formation insuffisante. Il ne conçoit pas la maîtrise de sa profession sans un apprentissage sur le terrain, aux côtés de professionnels aguerris. En l’écoutant, on imagine qu’il faut plus que 176 heures pour s’habituer au contact permanent de la mort. Et quand il aborde son propre rapport à la mort : « Cela fait longtemps que j’ai arrêté de penser à la mort : ce qui est important, c’est ce qui se passe avant. » Et pour en profiter, François Delecour prendra sa retraite à la fin de l’année afin de visiter le monde.

Simon Hue
Léa Reguillot

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