La Misophonie, un trouble neurologique commun peu connu

Bruits de bouches, cliquetis de stylos ou reniflements, entendre ces sons relève plus que d’un simple énervement pour les gens atteints de misophonie. Un trouble qui constitue une vraie souffrance et une bataille au quotidien pour ces intolérants aux bruits, souvent incompris par leur entourage.

Les symptômes d’un trouble neurologique très répandu

La simple vision de votre mère qui approche une cuillère de yaourt près de sa bouche vous paralyse ? Vous n’êtes pas fou, cette sensation est un des symptômes de la misophonie. Littéralement, ce mot signifie « haine du son ». Si la haine de tous les sons serait très ennuyeuse, ce sont en fait principalement les bruits produits par nos bouches qui provoquent chez certains de fortes émotions. Anxiété, rage, dégoût intense… Aussitôt un chewing-gum mâché à proximité, aussitôt un frisson de douleur parcourt l’échine des misophones. Repas de famille à bouches grandes ouvertes, rognage de doigts, déglutition mais aussi claquage de porte et grincements… autant d’actions banales synonymes de torture pour les misophones. Vous trouvez ça absurde ? Ce trouble neurologique est pourtant bien répandu chez les humains, bien qu’inconnu de la plupart d’entre eux. Il n’a été identifié pour la première fois qu’en 1997 par Marsha Johnson sous l’appellation de Selective/Soft Sound Sensitivity Syndrome mais le terme Misophonia ne sera utilisé qu’en 2000 par les docteurs Pawel et Margaret Jastreboff.

L’origine du problème serait génétique

Plus de 20 ans après sa mise au jour, les origines de ce trouble restent encore largement inconnues des scientifiques, et encore plus du grand public. La seule supposition reste celle d’une mauvaise connexion entre les zones du cerveau qui s’occupent de l’audition et celles en charges de nos émotions. En effet, en 2017, une étude publiée par une dizaine de scientifiques britanniques affirmait que les personnes atteintes de misophonie présentaient un excès de myèline. Cette substance entoure et protège nos fibres nerveuses, dont nos neurones. La myèlinisation touche, par conséquent, les parties de notre cerveau responsables du traitement et de la régulation des émotions comme le cortex insulaire notamment associé au dégoût.  A cause de cet excès, les connexions entre les parties du cerveau d’un misophone seront plus rapides d’où la perception plus précise et plus intense de certains sons.

Le cortex insulaire est le centre de nos émotions et regroupe notamment l’amygdale et l’hippocampe. Ces zones sont impliquées dans la reconnaissance et l’évaluation émotionnelle des stimuli sensoriels mais aussi dans les réponses comportementales associées à la peur et l’anxiété. Tous ces éléments sont reliés entre eux par des fibres nerveuses. Lorsqu’un misophone entend un son déclencheur, son cortex insulaire va entrer en hyperactivité, notamment à cause de la quantité anormale de myèline qui entoure ces fibres nerveuses.

Il n’existe pas de traitement médicamenteux ou chirurgical

Malheureusement, la recherche de traitement est à l’image de notre ignorance sur ce phénomène : faible. Seul le Dr Jastreboff propose une solution : écouter les sons qui dérangent  en les associant à un autre son, comme de la musique. Les premiers résultats apparaitraient au bout de 9 mois avec un taux de réussite de 90%. Pour un misophone, la simple idée de devoir écouter volontairement ces bruits insoutenables est une folie. C’est pourtant la seule solution connue à ce jour. A défaut, fuire ces sons reste le meilleur moyen : bouchons à oreilles, écouteurs ou tout simplement changer de pièce. Ces alternatives n’ont qu’un effet sur le court terme et ne résolvent pas le problème.

Un cercle vicieux qui peut aller jusqu’à l’isolement

Essayez d’expliquer à quelqu’un de fermer la bouche quand il mange, de ne plus prendre de chewing-gum ou d’arrêter de se ronger les cuticules en votre présence. On vous répondra en faisant volontairement les sons qui vous rendent fou « pour rigoler », on vous rétorquera par exemple : « Tu exagères ! » ou « Donc on peut plus rien faire ? » et pour les plus chanceux, vous aurez dix minutes de répit, jusqu’à ce que la personne oublie ce que vous lui avez demandé. Les bruits deviennent si intolérables que vous vous isolez volontairement. Votre comportement à table est si désagréable pour votre entourage que des conflits éclatent.  

Si le Larousse et le logiciel d’écriture Word ne reconnaissent pas ce mot, une page Wikipédia lui est quand même attribuée et le documentaire Quiet Please sorti en 2016 sonde aussi le sujet. Aujourd’hui, des groupes de soutien sur les réseaux sociaux existent, pour un trouble de cette ampleur (il touche quand même l’un de nos cinq sens), la communication est primordiale.

Jeanne Gandy

Une réflexion sur “La Misophonie, un trouble neurologique commun peu connu

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