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Starmania de retour sur scène en 2020 : l’opéra-rock qui porte un message universel et intemporel
Le co-créateur de l’opéra-rock Starmania, Luc Plamondon, le fils de Michel Berger et France Gall, Raphaël Hamburger et le metteur en scène Thomas Jolly s’associe pour créer une septième version du plus célèbre opéra-rock francophone : Starmania.

Sadia, Johny Rockfort, Zéro Janvier, Cristal… tous seront de retour en octobre 2020 pour fêter leurs 41 ans. Cela fera 18 ans que le spectacle n’aura pas été joué en France. Mais revisiter un si grand succès est un travail de longue haleine. « On travaille sur le nouveau livret avec Luc Plamondon depuis mai et sur les musiques avec Raphaël Hamburger et Bruck Dawit (le dernier compagnon de France Gall) », a précisé le metteur en scène au journal Le Parisien. Le célèbre parolier et producteur de 77 ans, Luc Plamondon a quant à lui confié avoir parlé de cette réédition avec la défunte France Gall. « La dernière fois que je l’ai vue, six mois avant sa mort, nous avions même commencé à parler de chanteurs et chanteuses potentiels. Elle voyait une brochette de vedettes ».
L’histoire de la dystopie Starmania
« Contrairement à ce qu’on croit parfois, ce n’est pas un concert mais une vraie histoire, une dystopie chronique, une utopie pessimiste et intemporelle. », constate Thomas Jolly. Le synopsis semble presque irréel à l’heure actuelle mais était pourtant futuriste à l’époque. L’Occident est un seul et même pays où les habitants malheureux cherchent tous la célébrité et le bonheur. Monopolis, la capitale, est terrorisée par le groupe punk terroriste des Étoiles Noires dont le chef est Johnny Rockfort. Il agit sous l’influence de la puissante Sadia, une étudiante travestie (un homme travesti en femme) venant de la bourgeoisie. La bande qui prépare des attentats se réunit à l’Underground Café, tenu par Marie-Jeanne, une serveuse automate qui passe ses journées à regarder la télévision et qui est secrètement amoureuse du disquaire Ziggy. Ce jeune homme rejeté parce qu’il est homosexuel rêve de participer à l’émission populaire Starmania, présenté par Cristal, et de devenir un célèbre danseur de rock. Au-dessus de l’Underground Café s’élève la célèbre tour dorée du milliardaire Zéro Janvier. Rêvant d’être un artiste, il se lance pourtant dans une campagne politique pour les prochaines élections présidentielles. Il défend un modèle sécuritaire pour faire face aux Étoiles Noires, raciste, économiquement libéral et loin des principes écologiques : « le nouveau monde atomique ». Dans les débats télévisés, il s’oppose au Gourou marabout, qui, lui, prône un retour à la nature et aux libertés individuelles. Dans cette lutte politique acharnée, Zéro Janvier choisit une nouvelle stratégie de communication : il propose à Stella Spotlight, une actrice hyper-sexualisée qui annonce la fin de sa carrière après une dépression, de devenir son égérie politique. Mais la star psychologiquement détruite a du mal assumer ce nouveau rôle et participe à des séances de thérapie collective organisées par le Gourou marabout, qui frôle l’orgie. Pour la sauver et dans l’optique de sa campagne, Zéro Janvier va la demander en mariage. Pendant ce temps, Sadia veut que Johnny Rockfort devienne une célébrité et appelle la célèbre présentatrice Cristal pour lui proposer une interview exclusive. Pendant cette émission, le chef de la bande et l’angélique journaliste ont un coup de foudre et décide de s’enfuir ensemble. Mais l’opinion publique, dirigée par les préjugés, pense à un enlèvement. Sadia, qui entretient une relation avec le jeune rebelle est rongée par sa jalousie et dénonce les amants en fuite qui préparent un nouvel attentat. Le projet est d’exécuter le plan lors de la fête de mariage de Zéro Janvier et Stella Spotlight au Naziland, une célèbre boîte de nuit au sommet de la tour dorée où Ziggy est devenu disc-jockey. Mais la sécurité de l’homme politique prend en chasse les deux terroristes et Cristal tombe de la tour lors de cette course poursuite. A la fin, Zéro Janvier est élu président et porté par sa rage, Johnny Rockfort va tenter de l’assassiner. Il sera abattu par les hommes de main du richissime politicien. L’opéra-rock prend fin avec un chant de détresse des habitants, qui restent toujours aussi malheureux et conditionné dans un monde où chacun à un rôle prédéfini.

© Isopix
Une œuvre indémodable
Starmania a été joué pour la première fois en 1979 au Palais des congrès de Paris. 41 ans après la première et sept versions plus tard, le public souhaite-t-il retrouver un bon classique où le redécouvrir au goût du jour ? Après s’être posé cette question, Thomas Jolly précise : « C’est la première mise en scène depuis l’an 2001. Il faut l’inscrire dans ce nouveau millénaire, dans le futur ».

Malgré le fait que l’œuvre face référence aux années 2000, les personnages et le message qu’elle transmet expriment une réalité qui se produit deux décennies après. On peut même penser que cette œuvre était visionnaire, voire prémonitoire. Le personnage de Zéro Janvier, un riche homme d’affaire qui se lance en politique pour être sur le devant de la scène, prônant un modèle hyper sécuritaire et protectionniste et se battant contre le terrorisme, peut étrangement nous faire penser à un des plus puissants leaders actuels : Donald Trump. Pour ce qui est de Stella Spotlight, elle représente bien le monde d’Hollywood, qui inflige aux acteurs et en particulier aux actrices d’avoir des rapports sexuels hors écran ou à l’écran pour se faire un nom dans ce milieu si sélectif. Ziggy quant à lui représente parfaitement le garçon homosexuel, rejeté de tous et à qui on empêche de réaliser son rêve car la danse est considérée comme un sport féminin. Les autres thématiques abordées peuvent être également mises à l’échelle des années 2010-2020 : les transformations de genre, l’automatisation des métiers et l’aliénation, la lutte politique, les questions environnementales… Tout ça passe dans les paroles des chansons parfaitement composées par Luc Plamondon qui sont pour lui « les stars » du spectacle. « De New York à Tokyo, tout est partout pareil » et « il n’y aura plus d’étrangers, on sera tous des étrangers » dans Monopolis, «[cette ville] où il n’y a plus d’été, où il n’y a plus d’hiver » dans Il se passe quelque chose à Monopolis, «On vit les uns contre les autres » dans la chanson du même nom…Des années après une grande partie des gens chantent encore les célèbres Quand on arrive en ville, Le blues du businessman ou encore SOS d’un terrien en détresse interprété à l’époque par Daniel Balavoine et reprise par Grégory Lemarchal lors de la 4ème saison de la Star Academy en 2004. Par ailleurs, le titre même de l’opéra-rock en dit long sur le message essentiel : Starmania, qui veut dire la manie des stars. Tout le monde aspire à devenir une star ou ne bénéficier ne serait-ce qu’un quart d’heure de gloire.
Starmania, ce sera à partir du 6 octobre 2020 à la Seine Musicale à Boulogne Billancourt et une tournée dans toute la France est en prévision.
Flavie Thivol