Face à un avenir incertain, les jeunes se tournent vers les étoiles

L’astrologie séduit de plus en plus de 16-25 ans depuis le début de la crise sanitaire. En France, nombreux sont ceux qui se sont tournés vers cette ancienne pratique pour se rassurer face à un futur flou et angoissant.

Les applications mobiles d’astrologie font fureur auprès des jeunes. AstroMatrix ou encore Co-Star comptent déjà plusieurs millions d’abonnés sur leur compte Instagram. Crédit/Magazine The Atlantic

Jeanne attend son rendez-vous avec l’astrologue avec qui elle a discuté 3 semaines auparavant. Crise sanitaire oblige, pas de rencontre physique, mais un appel qui durera une heure. Sceptique sur ce que peut lui apporter l’astrologie, en plein moment de doute juste avant sa rentrée à la fac. Jeanne, âgée de 20 ans, décide de rester quand même ouverte d’esprit. Au téléphone, l’astrologue ne pose aucune question, mais effectue une simple lecture de carte accompagnée du thème astral de la jeune étudiante. « Elle a relevé le côté artistique de ma personnalité, ce qui est plutôt vrai ». En racontant son expérience, la jeune étudiante se confie, « sur le moment, je dois avouer que ça m’a bien aidé pour mieux me définir. Mais je n’ai pas eu de grandes révélations non plus ».

Rares sont les jeunes, qui, comme Jeanne, consultent un astrologue. Le coût assez élevé de la consultation (en moyenne 90€) freine les plus précaires. Malgré tout, l’astrologie connaît, depuis ces dernières années, un véritable regain d’intérêt, surtout chez les 16-25 ans. 

Camille, jeune journaliste de 26 ans, s’est plongée dans l’étude de l’astrologie en amateur au début du confinement. Finalement, c’est une révélation. La jeune femme apprend jour après jour à lire les thèmes astraux, et réalise que l’astrologie est une discipline beaucoup plus complexe qu’elle ne pouvait le croire. « C’est pas comme l’horoscope qu’on peut lire dans Télé 7 jours », martèle-t-elle en riant. Depuis, de nombreux amis la contactent pour connaître leur thème, « la démarche de demander, c’est déjà de la curiosité », ajoute Camille, heureuse de partager sa nouvelle passion avec ses proches. Avec l’avènement du smartphone, l’engouement grandissant de la lecture des planètes a également migré sur les écrans de poche. De nombreuses applications mobiles ont vu le jour comme Co-Star, comparable à un réseau social sur le thème de l’astrologie, qui a vu son nombre d’abonnés tripler durant la crise sanitaire, atteignant deux millions de followers début 2021. Un véritable succès. 

“L’astrologie est un refuge. Avec la crise sanitaire, il y a beaucoup d’incertitudes sur les domaines scientifiques, alors on cherche des réponses ailleurs.

Que ce soit sur Instagram, TikTok ou encore Facebook, les comptes d’astrologie ont fleuri comme des pâquerettes sur les réseaux sociaux. Les moyens d’entrer en contact avec cette discipline se sont multipliés comme jamais. « Je constate que mes statistiques de visite sur mes comptes Facebook et Instagram comptabilisent beaucoup plus de jeunes de 18-25 ans. Maintenant, ils représentent autant que la tranche des 35-45 ans sur l’ensemble des visites », explique Karine Péché, astrologue professionnelle installée sur les réseaux, avant d’ajouter : « Avant la crise, c’était surtout le bouche à oreille et le réseau de connaissances qui amenaient les personnes à s’intéresser à l’astrologie, et donc venir directement me consulter en vis-à-vis. Mais aujourd’hui, les réseaux amènent de potentiels nouveaux clients ». Plus qu’une simple observation, l’Institut français d’opinion publique (IFOP) a révélé dans une étude de 2020 que 48 % des Français de 18-24 ans confiait croire en l’astrologie. Cette appétence s’est vue amplifiée par l’émergence d’astrologues amateurs offrant leurs services et conseils sur TikTok et YouTube, à l’image de Shera Kerienski, 28ans et ses 1,9 millions d’abonnés. La jeune femme est passionnée d’astrologie et le partage avec sa communauté, de façon ludique et pédagogique. Pour lever toute ambiguïté, la jeune youtubeuse précise bien dans chaque vidéo sur le sujet « Je ne suis pas astrologue, je fais d’abord cela pour le plaisir ». 

Mais alors, pourquoi les jeunes cherchent-ils des réponses dans l’astrologie ?

Avec la crise sanitaire, le milieu scientifique et son jargon sont devenus anxiogènes. Camille et d’autres jeunes interrogés considèrent que l’astrologie est une échappatoire indispensable au vu de la situation actuelle : « L’astrologie est un refuge. Avec la pandémie, il y a beaucoup d’incertitudes en ce qui concerne les sciences, alors on cherche des réponses ailleurs ». Frédéric Couston, professeur agrégé de sociologie à l’Université Sophia Antipolis de Nice, tente également d’apporter une partie de la réponse : « À cet âge, on construit son identité et on se questionne sur l’avenir. Ces angoisses amènent le besoin de se rassurer et de donner du sens à sa vie, explique t-il. D’un point de vue plus analytique, l’astrologie active également des biais de confirmation, c’est-à-dire qu’on lit et écoute seulement ce que l’on a envie de voir ou d’entendre, ce qui peut nous apaiser ». 

Face à cette tendance, certains jeunes adultes restent malgré tout sceptiques. On entend beaucoup de « j’y crois sans y croire », de la part de personnes qui ne prennent pas vraiment le temps de se pencher sérieusement sur le sujet. Antoine, 24 ans, ne croit pas en l’astrologie, avant toutefois d’ajouter « qu’il y a quand même des faits troublants ». En prenant connaissance de son thème astral, il a remarqué de nombreux points communs avec sa personnalité et son parcours de vie. D’autres restent tout de même froids au sujet. Théo, 23 ans, affirme que l’astrologie a été « inventée pour rassurer les gens ». Paradoxalement, il préfère se tourner vers la voyance et les médiums, qu’il juge plus fiables. 

Ce scepticisme reste toutefois éclipsé par l’attrait majoritaire des 16-25 ans pour l’astrologie. Pour maintenir cette nouvelle clientèle qui reste encore timide, Marc Brun, Président de la Fédération des Astrologues Francophones (FDAF), explique que certains astrologues professionnels cherchent à rendre accessible la profession en proposant des tarifs étudiants, « car si on veut que des jeunes viennent consulter de vrais astrologues, on doit faire l’effort de se mettre à leur portée financièrement », explique-t-il, espérant éloigner « la jeunesse des applications portables d’astrologie et autres arnaques, qui n’apportent pas de réelle aide ».

Une volonté de perpétuer l’engouement de ces nouvelles générations qui donnent aujourd’hui un nouveau souffle à la profession, longtemps restée « dans le creux de la vague » au début des années 2000. Aujourd’hui, l’astrologie semble donc voguer sur une vague ascendante qui ne semble pas encore prête de redescendre, même après la crise.

L’astrologie dynamique de Carolyne Faulkner
L’astrologie dépasse la prévision de l’existence pour devenir un outil de coaching et d’apprentissage de soi-même. Crédit photo/Mystic Journey Bookshore

L’astrologie dynamique est un outil de développement personnel et non plus seulement un horoscope ou un instrument de prévisions. Cette méthode astrologique novatrice a pour but de donner des clés qui permettent de mieux se comprendre et d’améliorer ses prises de décisions. Pour Carolyne Faulkner, une astrologue britannique renommée et auteure du livre The Signs, l’astrologie n’est ni un horoscope, ni de la voyance :  « Personne n’a son avenir écrit dans les étoiles ». 

Dans The Signs, Carolyne Faulkner explique et détaille le fonctionnement de l’astrologie dynamique qu’elle utilise quotidiennement. Au fil des pages, elle apprend au lecteur à lire le thème astral. Pour ce faire, elle décrit chaque attrait des signes, planètes et leur emplacement dans le thème astral. Elle met en avant la dualité de chacun de ses éléments, qui peut avoir un impact différent sur l’individu en fonction de leur position dans le thème. Selon elle, l’astrologie doit aider à améliorer la santé émotionnelle, spirituelle et physique en éveillant la conscience de soi. 

Interview de Géraldine Baillieux, psychologue et hypnothérapeute à Cannes : « Je pense que l’astrologie est une pratique positive pour trouver une explication concrète à leur avenir, mais ce n’est pas une fin en soi »    

Selon vous, pourquoi les jeunes sont plus susceptibles de se tourner vers une pseudo-science comme l’astrologie ?

Les gens essaient en général de se rattacher à quelque chose de concret afin de comprendre ce qui leur arrive. Ces périodes de confinement font rejaillir de nombreuses failles. Confinés, ils se retrouvent face à eux-mêmes dans leur miroir. Naturellement, les jeunes vont chercher des explications à ce qui leur arrive, mais également des solutions. Il existe un besoin de se rattacher à quelqu’un pour savoir si on va s’améliorer ou au contraire rester dans son mal-être.  

Pensez-vous que l’astrologie peut aider les jeunes sur le plan psychologique ?

Je pense que la jeunesse est de plus en plus éveillée à tout ce qui est ésotérique. Elle se dirige vers des croyances différentes. Personnellement, je pense que l’astrologie est une pratique positive pour trouver une explication concrète à leur avenir, mais ce n’est pas une fin en soi.

En tant que psychologue, quel est votre avis sur l’astrologie ?

C’est une grille de lecture, ce qui est intéressant pour mettre des mots sur des comportements. Mais ce sont des traits qui restent approximatifs, je ne l’utilise pas dans mon métier. Je reste ouverte d’esprit tout en restant rationnelle. 

Comment vos patients concilient t-ils l’astrologie et la psychologie ? 

Je leur apprends à en tirer le côté positif tout en gardant une certaine prudence. J’ai des patients qui font appel à l’astrologie avant même de voir un psychologue. Il faut prendre du recul tout en gardant un esprit critique. L’ésotérisme, c’est une bonne chose, mais on doit prendre seulement ce qui est bon pour nous.

Arnaud Ciaravino, Jessica Granato et Chloé Bounameaux

Photo mise en avant crédit : The Guardian/Illustration: Phil Hackett/Observer

Laisser un commentaire