
Étiquettes
Affaire Clarisse Clémer : une vague de discriminations qui pourrait changer l’histoire du sport féminin
La place des femmes dans la compétition est un sujet délicat. Le changement du règlement du Vendée Globe qui pénalise la navigatrice Clarisse Crémer en raison de sa maternité montre combien le sport et ses sponsors restent conservateurs en matière d’égalité.
Clarisse Crémer, skippeuse de l’Imoca Banque Populaire ©Désirée de Lamarzelle/ Forbes.
« J’ai appris vendredi dernier que Banque Populaire avait finalement décidé de me remplacer. Par leur décision, et malgré ma volonté constante, je ne serai pas au départ du Vendée Globe 2024. », c’est par ces mots, que Clarisse Crémer a annoncé que sa carrière en tant que navigatrice professionnelle était menacée. Clarisse Crémer a accouché d’un bébé en novembre dernier ce qui a réduit les potentielles chances de qualification de la jeune femme et a entrainé de nombreux problèmes avec son sponsor, Banque Populaire. La navigatrice de 33 ans, qui avait signé le meilleur temps féminin du Vendée Globe en février 2021, écrit jeudi dernier « Je suis sous le choc » sur Facebook. D’après le sponsor, le retard pris par Clarisse Crémer représentait un trop grand risque pour sa qualification sur la prochaine édition du Vendée Globe qui doit s’élancer des Sables d’Olonne le 10 novembre 2024.Le président du Vendée Globe ne comprend pas la décision du sponsor. Selon Alain Lebœuf, la skippeuse avait très largement ses chances de se qualifier, la Banque Populaire a, selon lui, pris une décision précipitée. « Banque Populaire voudrait être sélectionnée avant tout le monde. Ce n’est pas possible. On ne peut pas faire le tour du monde en solitaire sur les océans sans qu’il y ait d’étapes intermédiaires », avait déclaré Alain Leboeuf, le président du Vendée Globe dans une interview à l’AFP.
Face à cette situation, la ministre des Sports a pris parti en faveur de la jeune maman et affirme que la situation va se stabiliser, “toutes les parties sont en train de réfléchir à ce qu’elles peuvent faire pour trouver une solution positive pour Clarisse. Il est trop tôt pour annoncer quoi que ce soit, mais on essaie de faire en sorte qu’elle puisse prendre le départ. On va trouver une sortie par le haut, j’y crois. C’est une immense navigatrice, elle est capable de faire des choses immenses, il faut vraiment que la maternité puisse rentrer dans la voile, et de plain-pied dans l’organisation du sport. », a réagi Amélie Oudéa-Castera, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Une possible retour à la normale
Face à la vague de protestations et d’indignations, la Banque Populaire pourrait en fin de compte renoncer à écarter la jeune maman. Le groupe, qui possède plus de 30 ans de sponsoring dans la voile française, n’a pas pu continuer d’œuvrer dans le silence. “On souhaite que Clarisse puisse être au départ du Vendée Globe, sans doute avec Banque Populaire. Cette possibilité existe, puisqu’il y a désormais une volonté de Banque Populaire de le faire. (…) Tout le monde a envie de sortir de cette situation, car ce n’est pas bon pour l’image de la voile et du sport en général.” a déclaré Jean-Luc Denéchau, président de la Fédération Française de Voile dans une interview pour Ouest-France. Selon Le Parisien, Nicolas Namias, président du directoire de BPCE, a pris en charge le dossier. Cette affaire est délicate pour l’image de la société et pour la vague de protestations qu’elle entraîne sur les réseaux sociaux. Le patron de la banque tente d’arranger les choses avec Clarisse Crémer pour qu’elle fasse son grand retour aux couleurs de la Banque Populaire. Reste à savoir si la navigatrice acceptera de passer outre cette affaire.
Un nouveau règlement qui sème la discorde
En octobre 2021, l’organisateur du tour du monde annonçait une nouvelle méthode de qualification inédite ne permettant plus aux finishers d’être directement qualifiés pour l’édition suivante. Cette nouvelle méthode relève d’un système d’accumulation de points à acquérir entre l’hiver 2021 et l’été 2024, ce qui exige que les skippers participent à un certain nombre de courses qualificatives avant le départ du Vendée Globe. Le Président de la FFVoile, Jean-Luc Denéchau a réagi avec indignation face à l’annonce de la navigatrice, “C’est un ratage collectif. Le règlement de l’édition 2024/2025 du Vendée Globe a été produit tôt avec une sélection par milles nautiques parcourus pour s’adapter au fait qu’on aurait peut-être plus de candidatures que de places. Faire une sélection avec des milles, c’est aussi s’assurer que le navigateur et le bateau sont capables de prendre le départ.” a-t-il déclaré dans Ouest France. Ce nouveau règlement constitue donc un réel handicap en cas de maternité surtout ici, pour la détentrice du record féminin : « Il restait 2 saisons complètes et 4 transatlantiques pour revenir au niveau, j’étais à fond pour finir ma rééducation au plus vite », a regretté Clarisse Crémer. Pour la direction du Vendée Globe, l’objectif est clair, il va falloir adapter les règlements. Afin de permettre de s’assurer qu’une femme qui souhaite vivre sa maternité ne soit pas pénalisée à l’avenir. “La prise en compte de la maternité, en voile olympique c’est quelque chose que l’on connaît, mais peut-être qu’en course au large, la question s’est moins posée jusqu’à maintenant.” a déclaré la direction de la compétition dans un communiqué de presse.
Des navigatrices mieux protégées en 2028
Afin d’éviter que ce genre de situation se reproduise à l’avenir, la direction du Vendée Globe réfléchit à un nouveau règlement pour l’édition 2028. Depuis l’automne 2022, une discussion a été lancée avec des médecins, des gynécologues, des sportives et des juristes pour communiquer un texte qui permette aux navigatrices d’avoir un enfant sans être menacées de disqualification par rapport aux hommes.
CHLOÉ BACH CHAOUCH